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donc de part et d’autre, chacun prêtant serment à la manière de son pays. Ainsi fut conclu ce fameux traité de Margus que nous verrons si souvent invoqué par Attila, et qui lui servit d’arsenal pour battre l’empire romain par la politique, quand il ne l’attaquait pas par les armes. Pour preuve de leur fidélité religieuse à remplir les traités, les Romains se hâtèrent de livrer deux de leurs hôtes, jeunes princes du sang royal, fils de Mama et d’Attacam, personnages de distinction chez les Huns. Ils furent livrés sur le territoire romain, en vue de Carse, petite ville fortifiée de la Thrace danubienne, et Attila les fit crucifier aussitôt sous les yeux de ceux qui les lui amenaient : c’est ainsi qu’il inaugura son règne.

Attila était frère puîné de Bléda ; mais, quoiqu’ils régnassent en commun, le sceptre résidait de fait aux mains du plus jeune. Il avait alors de trente-cinq à quarante ans, ce qu’on peut induire de la remarque faite par les historiens, qu’en 451, époque de son expédition dans les Gaules, ses cheveux étaient déjà presque blancs. Cette supposition reporterait sa naissance aux dernières années du Ve siècle, vingt ou vingt-cinq ans après l’établissement des hordes hunniques en Europe. Le nom d’Attila ou Athel que portait le fils de Moundzoukh, et qui n’est autre que l’ancien nom du Volga, a fait penser avec quelque raison qu’il avait vu le jour sur les bords de ce fleuve, dans la demeure primitive des Huns ; en tout cas, il devint homme sur ceux du Danube : c’est là qu’il apprit la guerre, et que, mêlé de bonne heure aux événemens du monde européen, il connut le jeune Aëtius, otage des Romains près de son oncle Roua. Probablement, et d’après ce qui se pratiquait par une sorte d’échange entre la barbarie et la civilisation, tandis qu’Aëtius faisait ses premières armes chez les Huns, Attila faisait les siennes chez les Romains, étudiant les vices de cette société comme le chasseur étudie les allures d’une proie : faiblesse de l’élément romain et force de l’élément barbare dans les armées, incapacité des empereurs, corruption des hommes d’état, absence de ressort moral dans les sujets, en un mot tout ce qu’il sut si bien exploiter plus tard, et qui servit de levier à son audace et à son génie. Aëtius et lui restèrent liés d’une sorte d’amitié qui se manifestait par de petits services et une réciprocité de petits cadeaux. Le Romain fournissait au Hun ses secrétaires latins et ses interprètes ; le Hun lui envoyait en retour quelque objet curieux, quelque monstre difforme ou risible : un jour il lui envoya un nain. Ces deux hommes s’appréciaient et se redoutaient secrètement comme deux rivaux que les chances de la fortune amèneraient un jour sur les champs de bataille en face l’un de l’autre, et qui seuls étaient dignes de se mesurer.

L’histoire nous a laissé un portrait d’Attila d’après lequel on peut se représenter assez exactement ce barbare fameux. Court de taille et