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à propos de faire assister à cette réunion le chargé d’affaires d’Angleterre ; mais M. Hay n’eut point cette satisfaction d’amour-propre, et nous doutons qu’il se soit réjoui du résultat de cette journée. Un compte-rendu de ce qui s’était fait à Tanger fut aussitôt expédié à l’empereur ; dix ou douze jours se passèrent sans qu’il donnât signe de vie ; enfin Muley-Abdherrhaman écrivit à M. Bourée une lettre équivoque, qui semblait hésiter entre le désir des représailles et la résignation. L’empereur avait trop le sentiment du droit et de la force de la France et celui de la faiblesse du Maroc pour que le parti auquel il s’arrêterait fût long-temps douteux ; mais la colère pouvait lui donner de mauvais conseils et lui inspirer de mauvais desseins. Il était prudent de s’éloigner momentanément pour laisser à la sagesse le temps de reprendre le dessus ; il fallait surtout mettre le cabinet de Fez en demeure d’établir, par une démarche officielle, qu’il reconnaissait l’équité du bombardement de Salé et le bon droit du gouvernement français. Cette démarche devait, dans la pensée de M. Bourée, marquer le retour à des relations régulières. Elle était d’ailleurs une conséquence forcée de l’affaire de Salé, car, dans la prévision de nouvelles hostilités, les Kabyles restaient aux portes de toutes les villes de la côte, prêts à les attaquer par terre pendant que nous les canonnerions. En se retirant, nos agens laissaient donc derrière eux ces singuliers auxiliaires pour hâter le dénoûment, qu’ils allèrent attendre de l’autre côté du détroit. Il ne s’est point fait attendre. L’empereur a écrit au prince-président dans le sens prévu. La missive impériale est, dit-on, conçue dans les meilleurs termes ; elle conclut à l’oubli des griefs réciproques, et promet sécurité et respect à nos agens, si le président de la république française consent à leur retour. La réponse du président de la république a été amicale et pacifique ; mais il paraît que quelques-unes de ces difficultés de forme qui ne peuvent être dédaignées en pays musulman s’opposent encore à la reprise définitive des relations. On aime à voir la France persister ainsi jusqu’au bout dans la voie d’énergie et de résolution qu’elle a suivie dans le cours de cette affaire. C’est la seule manière de négocier avec le Maroc, et l’on doit applaudir à la vigueur avec laquelle cette question a été conduite. Le souvenir de Salé sera honorablement placé entre ceux de Tanger et de Mogador ; notre marine et nos agens y ont fait honorablement leur devoir.

L’ouverture du parlement anglais a été fixée par un décret de la reine Victoria au 3 février. Depuis long-temps, les chambres anglaises ne se seront ouvertes au milieu d’une telle anxiété fiévreuse, de telles alarmes nationales et de telles complications politiques. Des partis brisés, disloqués, sans espérance de se reformer, composent ce parlement, qui ne peut, malgré tous les élémens qu’il contient, fournir à lord John Russell les moyens de reconstruire un cabinet. Le ministère en effet, quelle que soit sa faiblesse, a beau jeu vis-à-vis du parlement ; s’il est faible, le parlement est-il plus fort ? s’il se soutient par l’impuissance où se trouve la reine de le remplacer, à qui faut-il s’en prendre de cette impuissance, sinon aux partis qui se trouvent tous dans l’impossibilité de prendre en mains les affaires ? Parlement et ministère sont donc absolument dans la même situation ; ils n’ont rien à se reprocher l’un à l’autre. C’est là ce qui fait la force relative de lord John Russell. C’est là aussi ce qui peut assurer au parlement une plus grande longévité. Si le cabinet reste après l’ouverture