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graves, tels que l’exécution de quelques soldats qui s’étaient laissé entraîner à une sorte de sédition dans Madrid, et l’expulsion des généraux Prim et Ortega. Le cabinet espagnol promulguait en même temps une législation nouvelle sur la presse, qui soumet, les journaux au régime de la suspension facultative. Cette dernière mesure surtout suffit pour indiquer dans quel sens marche la politique au-delà des Pyrénées ; elle tend incessamment à fortifier le pouvoir. Le gouvernement demeure seul aujourd’hui après la clôture définitive des cortès ; il reste à se demander quel usage il fera de son autorité. C’est, sans nul doute, dans l’ordre administratif que va porter toute son action. Heureusement, sous ce rapport, l’Espagne est un pays où, quand on a beaucoup fait, il reste encore plus à faire.

Force nous est bien de revenir encore sur M. Kossuth et ses pérégrinations. Nous voudrions pouvoir nous en abstenir ; mais, en vérité, son voyage donne lieu à des faits tellement significatifs, qu’il nous est impossible de les passer sous silence. Nous montrions, il y a quinze jours, les Américains ne respirant que guerres et batailles ; aujourd’hui ils font déjà leurs préparatifs. L’enthousiasme des Américains, facile à exciter, mais facile aussi à abattre, baisserait certainement à l’heure qu’il est, car le refroidissement des esprits est sensible, si les bruits qui arrivent d’Europe ne venaient se joindre au retentissement des discours de Kossuth. Plusieurs incidens se sont produits, qui indiquent que les vingt-trois millions d’hommes qui composent les États-Unis se fatiguent de n’être redoutables que pour l’Amérique seule. D’abord il a été présenté au sénat par M. Walker, l’ami de M. Kossuth, une pétition demandant que le gouvernement des États-Unis rompît toutes relations diplomatiques avec le gouvernement français. Cette pétition, cela va sans dire, a clé rejetée sans être prise en considération ; mais il n’a pas manqué de sénateurs pour la défendre il y a eu débat et discussion. Et quel caprice s’est donc emparé plus récemment du cabinet de Washington pour que M. Graham ait donné à plusieurs navires de guerre l’ordre de prendre la mer ? Ils partent bien approvisionnés de vivres et de munitions, pour aller renforcer, dit-on, l’escadre de la Méditerranée. Les journaux et le public font des conjectures, et l’opinion générale est que le gouvernement, répondant aux sentimens ambitieux qui pour le moment tourmentent les Américains, ne veut pas être surpris par les événemens. Enfin, depuis l’arrivée de M. Kossuth à Washington, il ne se passe pas un jour au congrès sans qu’un membre ou un autre ne vienne recommander à ses collègues et à ses compatriotes la politique d’intervention.

Mais c’est à Washington, lors de la réception de Kossuth, que se sont produits les incidens les plus graves. Tout s’était d’abord parfaitement passé. Kossuth avait été reçu avec la plus grande froideur par le président, par le sénat, et surtout par la chambre des représentans, qui avait fait les plus grandes difficultés pour le recevoir. Il avait adressé au président un discours digne du discours de Thémistocle au roi de Perse ; mais M. Millard Fillmore n’avait pas mis dans sa réponse la générosité du grand roi, et il s’était borné à lui souhaiter le secours de Dieu. Les querelles de Kossuth avec le consul américain à Marseille avaient été révélées au public américain, et son enthousiasme s’était ressenti de cette révélation. Enfin l’orateur ne songeait plus qu’à se retirer dans l’ouest, sur les bords du père des fleuves, lorsque le discours de M. Daniel Webster au