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choisi ne laissait pas de prêter aux conjectures, et les fêtes militaires de Vienne et de Berlin pouvaient être prises, sans abus d’imagination, pour la contrepartie de celles de Paris. Les commentateurs du moins n’ont pas voulu que le hasard tout seul eût tant d’à-propos. Quoi qu’il en soit, si le voyage de l’empereur de Russie en Allemagne a pu avoir une intention européenne, il a aussi pour la confédération germanique une signification en quelque sorte locale. Il rappelle le rôle que le tsar joue depuis 1848 parmi les états allemands, les services qu’il a rendus à l’Autriche, les conseils parfois sévères qu’il a donnés à la Prusse, l’influence que la diplomatie n’a point cessé d’exercer à Francfort sur la vieille diète rétablie, et par suite l’habitude, de jour en jour mieux marquée, que les hommes d’état et les princes allemands ont prise de recourir, soit à l’arbitrage, soit à l’appui de ce souverain, dans toutes les circonstances critiques. À l’aisance grave de son attitude et de ses allures, on voit assez que le tsar a le sentiment de cette situation de médiateur et de protecteur que les Allemands lui laissent prendre chez eux. Que cette entente de la Russie avec la Prusse et l’Autriche offre à l’Allemagne des garanties qui ne seraient point à dédaigner dans les éventualités de quelque conflit européen, soit : il serait cependant fâcheux pour la confédération germanique que l’on finît par croire qu’elle n’a pas foi dans ses seules ressources et qu’elle se défie de ses forces. N’est-on pas porté naturellement à le penser en voyant les deux grandes puissances allemandes si empressées, tantôt à solliciter des directions à Varsovie, tantôt à en recevoir à Berlin et à Vienne ?

En Danemark, un événement heureux est venu apporter quelque adoucissement aux regrets universels que laissent les arrangemens conclus avec la Prusse et l’Autriche pour l’organisation administrative des duchés. Les cabinets se sont entendus pour régler la question qui, en définitive, dominait toutes les autres, celle de la succession au trône. Le prétexte légal de l’agitation scientifique et politique qui a amené l’insurrection du Holstein, c’était, si l’on s’en souvient, un principe emprunté à l’ancien droit germanique, en vertu duquel les fiefs impériaux étaient héréditaires de mâle en mâle à l’exclusion des femmes, en sorte que les parties du Danemark anciennement soumises à cette législation impériale pouvaient rompre tout lien avec le royaume, du moment où la couronne danoise irait, après le roi actuel, passer à la ligne féminine de la dynastie. À la suite de conventions de famille qui consacrent la renonciation de la branche féminine et l’exclusion du duc d’Augustenbourg, justifiée par sa participation à la révolte du Holstein, le choix du roi de Danemark s’est arrêté sur le prince Chrétien de Gluksbourg, qui, à l’avantage d’être, par sa mère, le neveu du roi Chrétien VIII, joint celui d’appartenir, par son père, à une branche mâle de la dynastie régnante. Cet arrangement, qui assure l’intégrité du royaume et qui enlève au parti germanique son meilleur prétexte, n’était point de nature à plaire à la Prusse. Aussi, avant de donner sa signature à cette convention, a-t-elle renouvelé les objections qu’elle avait faites en 1850, lorsque les grandes puissances étaient convenues, par le protocole de Londres, de régler la succession danoise de manière à assurer l’intégrité du pays. Les résistances du cabinet de Berlin n’ont pu l’emporter sur les résolutions bien arrêtées de la Russie et de la France. M. de Turgot, dont nous signalions récemment l’activité terme et décidée dans les questions de commerce international,