Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/1131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont il prenait la place. Il n’en fallait pas davantage pour que le public, volontiers disposé à bien augurer d’un pouvoir nouveau, vît en lui un souverain populaire, un ami de la liberté, un adversaire des abus, et cette supposition assez gratuite, mais accréditée par la tactique de certains partis, ne pouvait qu’encourager l’opinion réformiste en lui offrant un point d’appui.

Un grand fait, qui éclata quelques semaines après l’avènement de Guillaume IV, contribua bien plus puissamment encore à déterminer, la crise qui se préparait : je veux parler de la révolution de juillet.

Jamais peut-être événement extérieur n’exerça une influence aussi décisive sur les destinées de la nation anglaise, d’ordinaire peu accessible aux impulsions du dehors. Par cela même que les souvenirs du passé disposaient nos dédaigneux voisins à considérer le peuple français comme hors d’état d’opposer aux agressions du pouvoir absolu d’autres armes que celles d’une sauvage anarchie, ils n’apprirent pas, sans un étonnement mêlé d’admiration les conséquences de la lutte, qui venait de renverser en trois jours le trône de Charles X. Ils s’étaient peut-être attendus d’abord à voir la France subir le joug des ordonnances inconstitutionnelles ; ils avaient pu craindre ensuite que le peuple vainqueur ne renouvelât les horreurs du 10 août, dont toutes les mémoires étaient encore remplies. Lorsqu’ils surent que le sang des combattans était le seul qui eût coulé, que le peuple, maître absolu de Paris, s’était à peine laissé emporter, dans la première ardeur du triomphe, à quelques désordres bientôt réprimés, que la prompte intervention des chambres avait, en huit jours, substitué à la monarchie tombée une autre monarchie régulière, investie de pouvoirs presque égaux, professant à la fois les principes de l’ordre ci de la liberté, et s’appuyant du concours de tout ce qui s’était fait, dans les rangs de l’opposition, une réputation de talent, d’éloquence et de patriotisme, un véritable enthousiasme s’empara des esprits. Partout, excepté dans les rangs du torysme le plus exagéré, qui lui-même osait à peine avouer sa dissidence, on crut, on proclama hautement que la cause du libéralisme et du régime constitutionnel venait de triompher définitivement à Paris. Lord Grey était l’interprète du sentiment presque universel, lorsqu’il disait à la chambre des lords : « Je ne puis concevoir un spectacle plus émouvant que celui d’un noble peuple s’engageant dans une lutte si sainte avec un courage digne de la cause qu’il avait à défendre, et, après avoir obtenu la victoire, en usant avec une modération sans exemple dans l’histoire. » Il est triste autant que curieux de se reporter aujourd’hui aux témoignages de cet enthousiasme, et ceux des amis de la révolution de juillet qui ont eu le malheur d’ébranler et de renverser, sans le vouloir, l’édifice de 1830 doivent se rappeler bien amèrement ces jours de gloire et d’espérance. Sans doute,