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du territoire : de grandes, d’énormes anomalies étaient maintenues à cet égard ; mais soixante bourgs dont la population avait presque entièrement disparu, et qui méritaient plus que les autres le nom de bourgs pourris, étaient complètement dépouillés de la franchise électorale ; quarante-sept autres, déchus aussi, mais moins complètement, ne devaient plus désormais envoyer au parlement qu’un seul représentant au lieu de deux ; Liverpool, Manchester et d’autres grandes villes, jusqu’alors privées de la faculté de députer à la chambre des communes, y étaient enfin admises ; Londres et certains comtés, trop faiblement représentés, obtenaient le droit d’élire quelques membres de plus ; la représentation de l’Écosse et de l’Irlande était aussi un peu accrue ; le privilège électoral, dans les villes comme dans les comtés, était désormais attaché à un cens déterminé qui en effaçait les capricieuses bigarrures, le plaçait dans des mains plus directement intéressées au maintien de l’ordre, et doublait, si je ne me trompe, le nombre des électeurs ; enfin des dispositions étaient prises pour introduire plus d’ordre et de régularité, dans la pratique des élections, pour en écarter la fraude et pour en diminuer les dépenses excessives.

La tendance évidente du bill était, non pas de détruire, mais de restreindre, dans ce qu’elle avait d’excessif, l’influence de la grande aristocratie territoriale et de diminuer l’action des classes purement populaires, qui était un des élémens de cette influence, en augmentant, dans une certaine mesure, celle des classes moyennes et industrielles. Comme on pouvait s’y attendre, les tories, ceux mêmes qui feignaient naguère de proclamer la nécessité d’une réforme, poussèrent des cris de fureur et de consternation en voyant apparaître le projet du gouvernement, dont la largeur dépassait tellement celle de toutes les propositions analogues que le parlement avait Jusqu’alors repoussées. Les réformistes de toutes les nuances au contraire, sans en excepter les radicaux, manifestèrent la plus vive satisfaction. Ils n’avaient pas espéré autant, bien que quelques-uns eussent désiré davantage. Comprenant avec une merveilleuse intelligence qu’une étroite union pouvait seule leur donner la force de renverser les obstacles qui les séparaient encore du but, ils résolurent de mettre de côté tout dissentiment particulier, de s’attacher au bill tel qu’on le leur offrait, de consacrer tous leurs efforts à le faire passer sans altération et de repousser, de considérer comme une manœuvre hostile ou perfide toute proposition de le modifier, fût-ce dans un sens plus libéral. Ce qui est admirable, c’est qu’une pareille tactique ne fut pas seulement celle d’une coalition parlementaire, ce fut celle du parti libéral tout entier, qui la suivit sans la plus légère déviation, non pas pendant quelques jours, pendant quelques semaines, mais pendant les dix-huit mois qui devaient s’écouler avant le vote définitif de la réforme. Les classes ouvrières