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une force qui lui avait manqué lorsqu’elle avait voulu s’opposer à une réforme réclamée par la volonté générale de la nation. Une fraction des whigs, quelques radicaux mêmes, s’effrayant de tentatives qui dépassaient toutes leurs anciennes aspirations, se rejetèrent avec vivacité du côté de la résistance. Deux ans étaient à peine écoulés que de nouvelles élections rendaient aux tories, non pas encore la majorité de la chambre basse, mais une minorité tellement forte, que le ministère whig, trop mal soutenu par une telle chambre contre l’immense majorité de la chambre haute, se trouvait réduit à une entière impuissance. Un peu plus tard, en 1841, il se voyait forcé de faire place à une administration tory. Je ne raconterai pas ici les vicissitudes qui, depuis cette époque, ont fait passer alternativement le pouvoir entre les mains des deux grands partis ; il me suffira de constater qu’en réalité, malgré quelques modifications nécessaires, les choses tendent à reprendre leur ancien cours, la politique anglaise à rentrer dans ses voies. Les whigs se reconstituent à leur état habituel d’un parti d’opposition porté, par nature, avec plus ou moins de maturité et de prudence, au progrès, aux réformes, stimulant, excitant sans cesse les dépositaires du pouvoir, et n’y touchant de loin en loin que pour le remettre en mouvement lorsqu’il s’est trop long-temps endormi dans les habitudes de conservation absolue ; les tories redeviennent le parti naturel du gouvernement, celui de la pratique, de l’expérience, celui qui doit habituellement conduire les affaires du pays, sauf à en abandonner la direction à de longs intervalles, pour aller, dans une opposition passagère, se retremper au contact des sentimens et des besoins publics dont les esprits les plus éclairés et les plus sagaces perdent plus ou moins le sentiment par le fait de la trop longue possession du pouvoir.

On rencontre cependant bien des gens qui, tout en reconnaissant que telles ont été jadis l’essence et la pratique du gouvernement anglais, croient que la situation est complètement changée, que les anciens partis, divisés, décomposés, placés dans des relations nouvelles, animés d’un esprit différent de celui qui les inspirait autrefois, ne sont plus en état de jouer le rôle que leur assignent les traditions historiques, ou plutôt qu’ils ont cessé d’exister. C’est, à mon avis, une erreur fondée sur des apparences superficielles, que ne peut manquer de dissiper une étude sérieuse et approfondie de l’état actuel de ce royaume et de l’histoire de son passé. Ce n’est pas la première fois qu’on a prophétisé, disons mieux, qu’on a proclamé comme un fait déjà accompli la mort des deux grands partis dont l’existence et la rivalité sont la clé de voûte de la constitution britannique. À une certaine époque du siècle dernier surtout, ils avaient paru l’un et l’autre tellement dévier de leurs tendances respectives, ils s’étaient tellement dénaturés, telle