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dalmatique, un long pallium de pourpre brune orné d’une petite croix rouge sur l’épaule droite et d’une autre plus grande au côté gauche de la poitrine[1]. Sitôt qu’il parut, il devint l’objet de l’attention et des prévenances du roi des Huns. Ce fut lui qui exposa les propositions de l’empereur, du sénat et du peuple romain. En quels termes le fit-il ? comment parvint-il à déguiser sous la dignité du langage ce qu’avait de honteux une demande de paix sans combat ? comment conserva-t-il encore à sa ville quelque grandeur en la montrant à genoux ? Par quelle inspiration merveilleuse sut-il contenir dans les bornes du respect ce -barbare enflé d’orgueil, qui faisait payer si cher sa clémence par la moquerie et le dédain ? S’il évoqua la puissance des saints apôtres pour protéger la cité gardienne de leurs tombeaux, s’il rappela le conquérant aux sentimens de sa propre fragilité par l’exemple de la fragilité des nations, nous ne pouvons que le supposer : l’histoire, qui nous voile si souvent ses secrets, a voulu nous dérober celui-là. Un chroniqueur contemporain, Prosper d’Aquitaine, qui fut secrétaire de Léon ou du moins son collaborateur dans plusieurs ouvrages, nous dit seulement « qu’il s’en remit à l’assistance de Dieu, qui ne fait jamais défaut aux efforts des justes, et que le succès couronna sa foi. » Attila lui accorda ce qu’il était venu chercher, la paix moyennant un tribut annuel, et promit de quitter l’Italie. L’accord fut conclu le 6 juillet, jour de l’octave des apôtres saint Pierre et saint Paul.

Il ne paraît pas qu’Attila, dans le cours de ses explications avec le pape et les deux consulaires, ait rien dit de sa fiancée Honoria et de sa volonté de l’avoir pour femme, car Léon lui aurait facilement fait comprendre que, d’après les lois romaine et chrétienne, Honoria, épouse d’un autre, ne pouvait plus être à lui. Cependant, par bizarrerie ou par calcul, afin de se conserver toujours un prétexte de guerre, il déclara en partant qu’il voulait qu’Honoria lui fût envoyée avec ses trésors en Hunnie, faute de quoi il la viendrait chercher à la tête d’une autre armée au printemps suivant. Tel fut le souvenir dérisoire adressé par le roi des Huns à la sœur de l’empereur, à la petite-fille du grand Théodose dernier témoignage de son mépris pour cette coupable folle, dans laquelle il ne vit jamais qu’un vil instrument aussi indigne de ses désirs que de son respect.

  1. « Erat indutus pontificalibus indumentis scilicet planeta sive casula, lata more antiquo, ex purpura coloris castanei… Super humero dextro crux parva rubri coloris ; quae erat pallii pontificalis, et aliam crucem paulo longiorem suprà pectus… » Telle est la description des vêtemens pontificaux avec lesquels saint Léon fut enseveli et qu’on trouva dans sa tombe lors de la translation de ses reliques. On en peut voir tout le détail dans les Bollandistes, à la date du 11 avril. Nous devons à ce procès-verbal de translation d’avoir pu décrire le costume que portait saint Léon à l’audience d’Attila, puisque c’étaient là ses habits pontificaux, et que son biographe nous dit qu’il aborda le roi des Huns en costume pontifical, augustiore habitu.