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l’analyse des travaux de l’Académie des sciences pour l’année 1824, de grands éloges donnés par l’illustre Fourier à deux mémoires publiés par M. Libri dans le Recueil des Savans étrangers. La même année, il vint pour la première fois à Paris, où il fut accueilli avec distinction non-seulement par les géomètres, mais par toute la bonne compagnie. En. France, il est assez rare de trouver des savans qui puissent « parler des choses avec les honnêtes gens. » M. Libri parlait science avec les savans, littérature avec les lettrés, philosophie transcendante avec les femmes. Il aurait pu être un lion dans le beau monde, mais il avait mieux à faire ; il travaillait sans relâche et, lisait à l’Académie des sciences des mémoires appréciés par ceux qui se connaissent aux x.

Le goût des livres était encore peu répandu à Paris, et M. Libri s’attirait quelque ridicule par ses recherches des vieilles éditions et des anciennes reliures. Les mathématiciens surtout ne savaient comment excuser cette faiblesse. Ils le blâmaient encore de perdre du temps à lire les ouvrages des savans du moyen-âge et de la renaissance, un peu dédaignés à cette époque et que M. Libri prétendait réhabiliter. Je vois, dans une lettre que j’ai entre les mains, que dès 1829 il s’occupait d’une histoire des sciences au moyen-âge, et faisait une étude particulière des manuscrits de Léonard de Vinci. Ce travail ne devait être publié que dix ans plus tard.

Il était pour la seconde fois à Paris lorsque la révolution de juillet éclata. On sait quelles espérances en conçurent les patriotes italiens. Moins enthousiaste que la plupart de ses amis et d’ailleurs parfaitement instruit des dispositions pacifiques du gouvernement français, M. Libri revint en Toscane, résolu, pourtant de prendre part à toute tentative qui aurait pour but l’émancipation de son pays. Ses relations avec des membres influens des chambres françaises étaient bien connues à Florence, et, dès son arrivée, la police le pria poliment de quitter la Toscane. Il alla à Modène, où l’insurrection était triomphante, mais n’y trouva ni la force matérielle ni la force morale qui pouvaient arracher l’Italie aux barbares. Je me souviens de lui avoir entendu raconter qu’à son arrivée à Modène, la ville était partagée en deux camps par une discussion sur la couleur de l’uniforme des gardes nationales, qui n’avaient ni un fusil ni une cartouche. Les jeunes gens voulaient tous servir dans la cavalerie, et s’exerçaient aux manœuvres d’escadron avec un bâton entre les jambes, faute de chevaux. On se disputait aussi sur la constitution à donner à l’Italie et sur les droits de l’homme. La plus forte tête était un homme venu de l’Apennin qui disait : « A quoi bon une constitution ? Chez nous, on jure et on s’enivre toute la sainte journée. On envoie promener père et mère, sans que nous ayons besoin d’une constitution pour cela. » M. Libri riait des parades révolutionnaires et conseillait des mesures énergiques, c’est