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solide et assez grave pour mériter l’entretien fréquent et l’amitié des deux orateurs illustres qui devaient rendre si respectable à la France cette tribune politique aujourd’hui reléguée dans l’histoire, M. de Serres et M. Royer-Collard : rare et noble jeune homme, dont la fin si prématurée fut entourée et bénie des soins affectueux d’un autre homme de bien éloquent, M. l’évêque d’Hermopolis !

À cette époque de l’École se rapportent encore des noms justement distingués, le fondateur d’une des premières feuilles de critique savante dans le mouvement littéraire de la restauration, M. Dubois, écrivain d’un savoir consciencieux et d’un talent libre et animé, auquel il’ aurait fallu seulement, pour achever d’importans travaux, une partie du loisir qu’on lui a désormais trop rendu ; M. Damiron, véritable sage, philosophe de cœur comme M. Droz, avec une science étendue, aussi estimable par le but élevé de ses travaux qu’il est ingénieux dans le détail de ses recherches, le premier homme qui ait appliqué la critique littéraire à presque tous les noms importans de la philosophie depuis trois siècles, et qui ait ainsi donné à l’histoire des idées l’intérêt instructif et sensible de la biographie ; M. Guigniaut, conduit par la philologie à la connaissance intime de l’antiquité, et qui dans un livre, fruit de trente ans d’études, a offert l’exemple, si rare aujourd’hui, d’un grand sujet d’histoire complètement approfondi et d’un travail aussi sincère pour les opinions que neuf et curieux pour l’étude des faits.

D’autres noms encore nous seraient rappelés ou par d’utiles travaux historiques, ou par une diversité de savoir, une sûreté de goût trop renfermées dans la retraite, et auxquelles il n’a manqué que plus de confiance et de liberté pour obtenir autant de célébrité que d’estime. Quoi qu’il en soit, cette abondante moisson de la première École normale, et cette impulsion si honorablement continuée qu’elle donna dès-Lors aux études prouve sans doute que le moment de la créer avait été bien choisi et que le plan de cette création était bien conçu. C’est à ce sujet qu’il ne me paraît pas indifférent de recueillir ici quelques souvenirs dont j’ai été, il y a bien des années, l’occasion et le confident.

Un matin que, dans les premiers mois de 1812, la section la plus nombreuse de l’École normale était réunie avec son jeune professeur pour la conférence de poésie latine et de littérature française, on annonça dans la salle où se tenait l’assistance un aide-de-camp de l’empereur, accompagné de quelques amis connus dans le monde et dans l’enseignement. M. le général de division comte de Narbonne entra le premier, avec sa grace élégante et polie, s’assit au milieu de ses amis sur un banc fort simple, et le cours continua ou plutôt recommença. Ce cours était une suite d’études réfléchies et soudaines sur quelque monument d’art, quelque œuvre consacrée, puis une lecture fort débattue d’essais modestes sur quelque sujet de morale et d’histoire littéraire. On