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que des nuages couronnent. Il y a là encore une intention de réalité assez rare pour l’époque. La victoire navale de Cadix, 1693, est très hardiment figurée par une Victoire qui foudroie un navire placé entre deux colonnes ; l’artiste ne s’est nullement inquiété des lignes un peu trop symétriques que présentaient, à la droite et à la gauche de sa composition, les deux colonnes d’Hercule, et il a eu raison.

Une singulière médaille, frappée en 1686, a pour objet de rappeler la découverte des satellites de Saturne. Saturne et son anneau occupent le centre de la médaille, que remplissent les orbites concentriques de ses nombreux satellites. Les médailles de la fondation de Saint-Cyr, de la réception de l’ambassade de Siam et des vœux de la France pour le salut du roi, sont de cette même année 1686. Cette dernière médaille, qui représente la France agenouillée devant un autel sur lequel fume un vase consacré, et tendant les mains vers le ciel, est l’une des plus remarquables de cette nombreuse série. La révocation de l’édit de Nantes a été l’occasion d’un grand médaillon très orné de Bertinet et de trois médailles. L’une représente l’hérésie éteinte, l’autre la religion triomphante, la troisième la victoire de l’église sur les calvinistes. Ces trois médailles, dont les deux dernières portent la date de 1685, sont peut-être les plus faibles de la collection. Cette vaine et orgueilleuse commémoration du désastreux édit a mal inspiré Molart, auteur de ces trois compositions.

Sous le roi Louis XV, l’art paraît stationnaire. Il ne nous offre guère qu’une exagération ou plutôt une corruption du style dominant à la fin du règne de Louis XIV. Roetiers, Leblanc, Léonard, Dassier, Fontaine, Duvivier, les graveurs à la mode, semblent se modeler sur les peintres : on abuse plus que jamais des symboles et emblèmes mythologiques, altérés par le goût du temps. C’est ainsi que la régence est figurée par un Hercule portant le ciel sur ses épaules avec cette légende : Par virtus oneri (sa force égale le fardeau). La chambre de justice, c’est Hercule pénétrant dans l’antre de Cacus pour l’assommer, avec cette légende : Vindex avarœ fraudis (vengeresse de la fraude et de l’avarice). Le bonheur de la France sous le régent a pour emblème Astrée qui descend du ciel sur la terre. — La duchesse d’Orléans, mère du régent, est transformée en Cybèle, fille et mère des dieux. Le jeune roi, dont les forces et l’intelligence se développent, n’est rien moins qu’Apollon vainqueur du serpent Python. S’il visite les académies, c’est Apollon qui s’entoure des neuf muses. La France médiatrice entre les Turcs, les Russes et les Persans, se transforme en dieu Terme : Finium arbiter (l’arbitre des frontières). Mars et Minerve doivent inévitablement figurer dans les médailles où il s’agit de la guerre on des sciences. Si le roi conquiert le Milanais sur les Autrichiens en 1733, c’est Mars ultor. C’est encore le dieu Mars qui gagne la bataille de Parme, qui pacifie la Corse en 1740, qui secourt l’électeur de Bavière, Mars auxiliator (1741), qui prend Bruxelles en 1746 avec dix-sept mestres de camp, dix-huit bataillons de fantassins et neuf escadrons de cavalerie. Comme cette conquête a lieu en février, c’est Mars hiemis immemor. La bataille de Fontenoy avait précédé la conquête des Flandres et la prise de Bruxelles. Cette fois le roi, qui assistait à la bataille et qui s’était bravement conduit, n’a pas consenti à abdiquer en faveur du dieu Mars. Il a vaincu en personne, il veut triompher en personne. Nous le voyons debout sur un char attelé de quatre chevaux, avec le dauphin à ses côtés. Une