a donné lieu. Comme en 1789, il y eut un premier moment où les graveurs ou leurs manœuvres s’affranchirent, à l’exemple des écrivains, de tout examen préalable et de toute autorisation, et répandirent leurs ouvrages au moyen de balanciers particuliers. Ces médailles, composées hâtivement, n’offrent la plupart du temps que d’informes et ridicules ébauches, frappées souvent en alliage, en étain ou même en plomb ; et si le retour à la barbarie n’est pas aussi complet qu’à l’époque de la première révolution, c’est que l’art de la gravure était plus généralement cultivé, et que ces saturnales ne durèrent qu’un moment. Parmi les médailles frappées en 1848 à la Monnaie de Paris, il en est bien peu qui s’élèvent au-dessus de la médiocrité. Cette éternelle république, coiffée du bonnet phrygien pendant les jours qui suivirent la révolution, couronnée de fleurs, d’olivier ou de chêne quand juin a tranché les têtes de l’hydre, est d’une banalité fatigante. MM. Gayrard, Oudiné, Barre et Caqué sont à peu près les seuls qui échappent au défaut général. Le meilleur de ces types est certainement celui adopté par M. Gayrard. Sa république est couronnée de lauriers, coiffée et à demi vêtue d’une peau de lion. Le profil a toute la pureté d’un bronze antique, et il y a dans l’œil et dans la bouche une puissance souveraine. M. Gayrard père, qui, ainsi que nous l’avons vu, a ouvert il y a plus d’un demi-siècle la série des médailles napoléoniennes par celle de la Bataille de Moutenotte, est tout à la fois un sculpteur distingué et l’un de nos meilleurs graveurs. Il a surtout des idées, ce qui n’est pas commun. Chacune de ses productions se fait remarquer par une pensée souvent frappante, toujours ingénieuse. M. Gayrard, dont la fécondité est toute juvénile, a publié dans ces dernières années plus de dix médailles. Nous signalerons dans ce nombre la médaille du 13 juin, du Choléra à Gray, du Roi et de la reine de Sardaigne, des Fêtes données par la ville aux étrangers en 1851. Son chef-d’œuvre est peut-être cette belle médaille de Pie IX, publiée en 1850, qui porte à la face un buste du pape Pie IX, vigoureusement sculpté, et au revers une colombe en plein vol rapportant un rameau d’olivier, avec cette légende d’un tour et d’une concision tout-à-fait antiques : Urbem reversus, pastor non ultor. M. Gayrard père a fait souvent de ces heureuses rencontres. La dernière médaille qu’il vient d’exécuter, inaugurant l’ère de Louis-Napoléon, président décennal, comme il avait inauguré, il y a cinquante-six ans, l’ère du futur consul et du futur empereur, et qui a pour sujet la proclamation du prince-président le 1er janvier 1852, est certainement la meilleure que les derniers événemens aient inspirée. Elle porte à la face le portrait de Louis-Napoléon, d’une expression peut-être un peu rude et d’une ressemblance douteuse, et au revers une Renommée embouchant la trompette qu’elle tient de la main droite et déployant de la main gauche une pancarte sur laquelle est inscrit le chiffre 7,500,000 voix, avec cette légende : Vox populi vox Dei. Cette Renommée est d’un excellent mouvement ; elle ne vole pas comme d’habitude : elle est posée sur le pied gauche, et la jambe droite est repliée. Cette attitude, jointe au flottement de la draperie que le vent rejette en arrière, lui donne une singulière légèreté. Les plis de la robe, qui se modèle sur le corps, sont étudiés avec une délicatesse et une précision qui ne sentent nullement l’improvisation, et qui laisseraient croire que M. Gayrard, doué d’une sorte de divination, avait par avance composé sa figure. M. Gayrard se repose de l’exécution de cette médaille, inspirée par la circonstance, en achevant la grande médaille d’honneur des expositions annuelles. Quatre autres
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