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but était en quelque sorte dépassé, car il n’est pas nécessaire, pour empêcher le faux monnayage du cuivre, d’en élever le cours à sa valeur intrinsèque : il suffit que la plus-value ne soit pas assez forte pour satisfaire tous les complices. Aujourd’hui, on taille 24 deniers dans la livre anglaise, de sorte que le penny, qui correspond en valeur à notre décime, pèse 18 grammes 89 centièmes, proportion qui réduirait à 50 pour 100 environ les profits du faux monnayage. Cette prime est insuffisante pour compenser les mauvaises chances du métier.

Notre propre histoire offre un exemple plus décisif encore. La convention s’était déjà laissé séduire, comme il arrive aujourd’hui, par l’idée de coordonner l’échelle monétaire avec l’ensemble du système métrique. Trouvant ingénieux de faire un poids de chaque monnaie de bronze, elle fit fabriquer, par son décret du 15 août 1795., des pièces de 1, 2, 5, 10 et 20 centimes au poids de 1, 2, 5 ; 10 et 20 grammes. Qu’on le remarque bien cette proportion est exactement celle que le nouveau système reproduit, à l’exception des pièces de 20 centimes en bronze, remplacées aujourd’hui par de très petites pièces d’argent. Une première émission de 4,385,352 fr. eut lieu, et aussitôt des troubles inquiétans se manifestèrent dans la circulation.

En rappelant la mésaventure de l’an III, on a essayé d’en atténuer la portée. On a dit qu’en recevant des pièces réduites à moitié, le public de cette époque les considérait comme des assignats métalliques, et que l’on craignait la surabondance des sous. Il y en avait à cette époque moitié moins qu’aujourd’hui, et le décret qui démonétise les 4 millions de sous reconnus trop faibles ordonne qu’on en fabrique d’urgence pour 10 millions d’un poids ordinaire, On a dit encore que la monnaie à poids réduit devait circuler d’une manière permanente en concurrence avec l’ancienne ; mais le décret de 1795, qui prescrit une coordination systématique de toutes les monnaies, semble indiquer au contraire que les anciennes pièces de cuivre devaient disparaître. D’ailleurs, les gros et les petits sous n’ont circulé concurremment que pendant une année au plus. Est-ce qu’aujourd’hui il ne se passera pas quatre ans au moins pendant lesquels les monnaies anciennes circuleront concurremment avec la nouvelle fabrication ?

La véritable cause de la répulsion subie par les petits sous de 1795 ressort avec une irrécusable évidence des débats qui eurent lieu au conseil des anciens dans la séance du 24 octobre 1796. Un des membres de la commission, Lecouteulx de Canteleu, qui fut depuis sénateur, résuma ainsi les opinions et les faits énoncés par Lafond-Ladebat, Dupont de Nemours et plusieurs autres : « La monnaie est refusée dans les départemens et dans les principaux marchés qui approvisionnent Paris. Il en résulte que dans ces marchés on proportionne les denrées de première nécessité au cours de cette dernière