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Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/677

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atelier une boutique, ne se laisseraient pas prendre au dépourvu. Tout en continuant de travailler pour les amateurs, qui trop souvent encouragent les vices de leur talent au lieu de les aider à s’en affranchir, ils prépareraient de longue main une œuvre selon leur pensée, et cette œuvre, conçue à loisir, lentement poursuivie, achevée sans précipitation, nous donnerait la mesure fidèle de leurs facultés.

On a beaucoup parlé de la sévérité du jury ; je n’ai pas à ma disposition les documens nécessaires pour décider ce qu’il y a de juste on d’injuste dans cette question ; je ne sais pas si tous les membres du jury étaient pourvus d’un rare discernement ; je ne sais pas s’ils étaient capables de distinguer le beau du joli, le simple du maniéré. Ce que je peux affirmer sans crainte d’être démenti, c’est que, parmi les mille deux cent quatre-vingts tableaux admis à l’exposition du Palais-Royal, il y en a un tiers au moins qui ne devrait pas être offert aux yeux du public. Je regrette sincèrement que la composition du jury ait été changée. En effet, dès que le jury était électif, personne ne songeait à se plaindre. Comme les exposans avaient eux-mêmes nommé leurs juges, ils n’avaient pas à discuter leurs décisions. L’administration, en prenant à son compte la moitié des nominations, a commis une faute, à mon avis. Les arrêts les plus sévères prononcés par un jury purement électif, seraient acceptés sans murmure ; prononcés par un jury où l’administration s’est attribué la majorité, ils sont nécessairement soumis à la discussion, et voilà précisément ce qu’il fallait, prévenir. Lorsque les juges étaient pris parmi les exposans, personne n’avait le droit d’élever la voix, car la décision, juste ou injuste, relevait du suffrage universel. Aujourd’hui tout est changé : la nomination de la moitié du jury semble attribuée à l’élection ; mais, avec un peu d’attention, on reconnaît bien vite que cette moitié est comme la moitié dont parle Arnolphe en s’adressant à Agnès. Il y a dans le jury deux moitiés parfaitement distinctes : la moitié suprême et la moitié subalterne. La moitié suprême, c’est la moitié nommée par l’administration ; la moitié subalterne, c’est la moitié nommée par l’élection. J’admets que l’élection puisse donner des juges peu compétens, j’admets que l’élection puisse donner raison aux coteries : tout cela sans doute est fâcheux ; mais n’est-il pas plus fâcheux encore de soulever des objections sans nombre en nommant la moitié des juges directement, et surtout en nommant le président de chaque jury ? De cette façon, la majorité est assurée à l’administration. Le président, dans toutes les délibérations, a voix prépondérante ; ainsi l’administration ne possède pas seulement la moitié des voix plus une, mais la majorité plus deux, c’est-à-dire la majorité assurée. Il était sage, il était juste de fermer la bouche à toutes les plaintes, et le plus sûr moyen était à coup sûr de laisser le jury purement électif. On a