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Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/738

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l’honneur de royales alliances, recevaient moins de force du principe aristocratique qu’ils ne lui inculquaient de faiblesse. Universel oubli des doctrines et des garanties constitutionnelles, antipathie non moins universelle contre les temps antérieurs à l’ère révolutionnaire dont les crimes s’étaient perdus dans les splendeurs de l’époque impériale, telle était la double disposition de l’esprit public lorsque l’empire disparut dans la tempête qu’il avait suscitée. La France éprouvait des répulsions instinctives, mais n’avait aucune croyance politique, quand les rois de l’Europe, au lendemain de leur entrée dans Paris, s’élevant à la hauteur de la mission que leur donnait la Providence, l’interrogèrent loyalement sur la nature du gouvernement qu’il lui convenait d’adopter.

Les étrangers ne songeaient point aux Bourbons, et si l’action des souverains alliés s’exerça dans les premiers jours d’avril 1814, ce fut moins pour susciter cette royale candidature que pour élever contre elle des objections sérieuses. Les cabinets, et particulièrement l’empereur Alexandre, leur inspirateur suprême, déniaient aux princes de la maison de Bourbon les qualités requises pour gouverner un pays où ils les croyaient oubliés. Tout le monde sait que cette solution, la plus inattendue entre toutes, fut suggérée par un salon où des constituans et des conventionnels coudoyaient d’anciens ecclésiastiques depuis long-temps étrangers aux devoirs de leur état. Personne n’ignore que les amis de M. de Talleyrand, loin d’être entraînés par l’enthousiasme, organisèrent les premiers la manifestation royaliste avec tout le sang-froid de joueurs égoïstes ; mais l’histoire attestera que, si inattendue qu’elle fût la veille pour le pays, cette solution devint le lendemain la pensée de tout le monde. Aucune combinaison ne répondait en effet aussi complètement à l’impérieux besoin qui dominait les ames en cet instant suprême. Le gouvernement d’un prince de la maison impériale ou la régence du roi de Rome n’auraient été considérés par la France et par l’Europe que comme une halte dans le système belliqueux de l’empire, et c’était avec ce système lui-même que la nation, lasse de la guerre et humiliée de sa défaite, cherchait alors à rompre par un acte éclatant. Un retour à la vieille monarchie était assurément le gage le plus formel qu’elle pût donner au monde de ses volontés pacifiques ; l’instinct public le devina, et, sous cette seule impression, il accepta la restauration sans en discuter d’abord ni le titre ni les conséquences. En 1814, la France était affamée de paix, comme nous l’avons vue depuis affamée d’ordre. Dans de tels momens, l’on sait qu’elle va droit devant elle, et que, pour se satisfaire, elle ne marchande aucune condition.

Aux premiers jours, tout le monde acclama donc les Bourbons, qui semblaient plus en mesure que personne de rassurer la coalition et de garantir la France contre les conséquences de sa défaite, et l’on accueillit cette solution par esprit d’égoïsme et point du tout par sentiment