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soulever les cœurs. Jamais nation ne fut plus divisée contre elle-même. Le parti royaliste, à peu près nul lors de la première restauration, se montrait, au début de la seconde, puissant par le nombre et par le concours de l’Europe armée, ardent dans sa colère et implacable dans ses vengeances. Il comptait encore dans ses rangs la portion la plus nombreuse de la bourgeoisie parisienne, particulièrement au sein du petit commerce, et, dans la crise du 20 mars, le serment constitutionnel, solennellement renouvelé par le roi et par sa famille, avait assuré à la monarchie le concours de toute une génération d’élite appelée à exercer une durable influence sur l’avenir du pays. MM. Guizot, Barrot, Cousin, de Broglie, dévouaient leur jeunesse encore obscure à cette cause de la liberté politique à laquelle MM. Royer-Collard et Camille Jordan consacraient la maturité de leur vie. Tous ces hommes, résolument opposés au système impérial, appartenaient en ce moment au parti royaliste, non qu’ils éprouvassent les mêmes passions, mais parce qu’ils partageaient les mêmes antipathies.

Des élémens d’une tout autre nature constituaient le parti royaliste provincial et laissaient pressentir un prochain déchirement au sein de cette grande opinion, où les uns étaient entrés par la haine du despotisme et les autres par la haine de la révolution. Tous les intérêts atteints en 1789 s’étaient soudainement relevés à l’avènement de la dynastie, et la restauration, par la manière imprévue dont elle avait été consommée, était devenue, aux yeux de la noblesse émigrée et du clergé dépouillé de ses propriétés, comme une condamnation d’en haut portée contre l’ordre social sorti de la révolution française. Ce parti était puissant dans l’ouest par le patronage rural, plus puissant encore dans le midi, où les opinions politiques s’étaient entées sur les croyances religieuses, en s’empreignant de la même exaltation. Après le 20 mars, la Vendée avait pu lever une armée à la tête de laquelle mourut un autre Larochejaquelein, et la pacification de ce pays, amenée par la prudence plus que par les armes du général Lamarque, n’avait, pas moins laissé debout et entière une organisation formidable. Les départemens méridionaux avaient reçu une impression profonde, et qui persista plusieurs années, de la présence de Mme la duchesse’ d’Angoulême à Bordeaux en mars 1814, et de sa noble attitude en avril 1815. À cette même époque, des agens habiles avaient organisé dans ces contrées le parti royaliste sur des bases aristocratiques pour les campagnes et très démocratiques pour les villes. Les gardes nationales en majorité, les administrations municipales presque entières lui étaient dévouées, et de nombreuses associations secrètes venaient ajouter à cette forte organisation la puissance de leur réseau et le prestige de leurs mystères.

Ce mouvement n’était pas concentré dans les seules provinces de l’ouest et du midi. Sous le coup de la seconde invasion et de l’occupation du territoire, le parti frappé à Waterloo était un moment rentré