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Depuis cette époque jusqu’au mois de janvier de cette année, les cas de maladie et les décès paraissent avoir continué dans la même proportion. On a, à diverses reprises, renvoyé aux États-Unis les ouvriers convalescens et hors d’état de reparaître sur les chantiers, de sorte qu’on a dépassé le chiffre de 1,200 individus qui avaient été engagés il y a dix-huit mois, puisqu’au mois de janvier de cette année l’effectif du personnel présent sur les travaux était encore, malgré des pertes si multipliées, de 1,200 à peu près. Il serait très intéressant de connaître d’une manière exacte les chiffres des cas de maladie et des morts qui s’en sont suivies ; mais la compagnie ne paraît pas s’être préoccupée de recueillir ou de conserver les élémens qui permettraient d’établir une statistique complète de l’état hygiénique des ateliers du chemin de fer de Panama. Cependant, d’après les résultats approximatifs qui sont connus, on peut conclure qu’en définitive cette expérience en grand du travail de la race blanche sous le climat des tropiques n’a pas trop mal réussi, et il est hors de doute qu’avec quelques précautions de plus on aurait obtenu un succès plus grand encore.

Il est bon d’envisager maintenant cette entreprise au point de vue financier, et d’abord en ce qui concerne le chiffre de la dépense. Le capital de la compagnie peut être porté, comme on l’a vu, à 5 millions de dollars (26,300,000 francs), partie en actions, partie en emprunts, dont le chiffre ne pourra dépasser celui des actions. Assurément, s’il s’agissait de construire aux États-Unis un chemin de fer ne présentant pas de plus grandes difficultés d’exécution que celui-ci, ce chiffre de 5 millions de dollars pourrait être considéré comme fort exagéré. 5 millions de dollars pour 46 milles, cela fait à peu près 108,000 dollars par mille, ou 360,000 francs par kilomètre. Or, aux États-Unis, les chemins de fer construits à une seule voie, dans les mêmes conditions de difficulté que le chemin de Panama, ne coûtent pas plus de 20 à 25,000 dollars par mille tout compris, c’est-à-dire 66,000 à 83,000 francs par kilomètre. Un capital de 12 à 1,300,000 dollars serait donc suffisant ; mais on comprend bien que les élémens de la dépense sont tout autres sur l’isthme qu’aux États-Unis. Ainsi la compagnie est obligée de nourrir son personnel, de le loger, de soigner les malades ; elle est obligée en outre de transporter ce personnel sur l’isthme à grands frais. Dans la situation exceptionnelle des ouvriers, toutes les journées leur sont payées, même celles où ils ne travaillent pas, à l’exception du dimanche. Il a fallu faire des dépenses considérables pour l’acquisition et l’installation des bâtimens de toute nature et du matériel, tels que les outils, les machines et agrès de toute sorte ; enfin il en coûte assez cher pour faire venir sur l’isthme les matériaux préparés aux États-Unis et les rails qui se fabriquent en Angleterre.

En s’aidant de renseignemens pris sur les lieux mêmes, et en supposant