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n’aient eu le dessein d’établir en France des églises méthodistes formées des débris de l’église réformée. C’est ce qu’ils ont fait à Genève, c’est ce qu’ils ont tenté en Suisse, et si en France cette tendance est moins manifeste, c’est qu’ils ont trouvé moins d’appuis et plus d’obstacles. La plupart veulent rester membres de l’église réformée, se ménager, dans des réunions privées, les sources d’édification que celle église ne leur fournit pas suffisamment à leur gré, mais ne point rompre avec elle, vivre eu elle et surtout agir en elle. Pour les uns, c’est une affaire d’habitude et de raison ; ils ne veulent pas former une secte et croient pouvoir se suffire sans en venir à une telle extrémité ; pour les autres, c’est une affaire de politique et de calcul. Tout leur déplaît dans l’église réformée. Le culte est pour eux sans vie, les prédications inutiles quand elles ne sont pas blasphématoires, la discipline relâchée et pervertie, les consistoires faibles, mondains et peut-être impies ; mais elle est établie, elle a ses réunions régulières, ils en sont membres, peut-être pasteurs : elle leur fournit l’occasion d’être reçus sans défiance, de parler librement et avec autorité ; elle éloigne le danger de paraître avec une doctrine, une religion nouvelles ; elle couvre même à l’égard de l’autorité civile et de ses lois inquisitives. On y reste pour s’en servir, en attendant de la renouveler. »

Depuis l’époque où ont paru ces lignes, que nous avons empruntées à une plume plus autorisée que la nôtre, le zèle des méthodistes ne s’est pas ralenti ; ils n’ont pas cessé de déployer l’activité qui propage les doctrines, le concert d’efforts qui les soutient, la sévérité des formes qui frappe les imaginations. La plupart ont continué à ne se point séparer des églises reconnues ; quelques-uns se sont constitués en églises indépendantes, non salariées par l’état, et consacrées au culte wesleyen, du nom de leur fondateur, John Wesley. On porte leur nombre à 3,000 communians environ et 10,000 auditeurs ; ils ont ouvert plusieurs chapelles, dont une à Paris.

Tel est, d’après des documens que nous avons réunis avec peine et dont quelques-uns n’ont point de caractère officiel, l’état actuel du protestantisme en France. Il nous reste à faire connaître la loi qui régit celles de ses églises qui sont reconnues par l’état. Cette loi fut rendue le même jour que les articles organiques du concordat. Le premier consul voulait réorganiser à la fois le culte catholique et les cultes protestans. Il y était engagé par la politique non moins que par des préjugés encore ardens, dirigés surtout contre l’église catholique, et que ce rapprochement devait apaiser. Comme il était impatient de recueillir la gloire de la réconciliation de la France avec le saint-siège et d’en faire jouir le pays, une fois le concordat signé, on se hâta d’achever la loi relative aux cultes protestans. Un extrême empressement en précipita la rédaction ; on ne se donna le temps ni de consulter les intéressés,