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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 juillet 1852.

La vie d’un peuple ne change point dans son essence, autant qu’on le pourrait croire, à chaque secousse politique, à chaque transformation subite de gouvernement. À travers tout, il ne cesse de survivre un certain ensemble de conditions, d’intérêts, de besoins qui se trouvent plus ou moins satisfaits, plus ou moins garantis, et qui restent comme le fonds permanent de l’existence nationale. Ce sont les travaux de tout genre qui continuent de s’exécuter obscurément, les projets conçus qui marchent vers leur réalisation, les améliorations long-temps discutées et élaborées qui arrivent à une maturité suffisante à travers toutes les diversions. Il y a ainsi toute une vie mystérieuse et pratique, matérielle si l’on veut, qui suit son cours d’un régime à l’autre. Seulement, tandis que cette vie positive des affaires et des intérêts se déroule, tandis que quelqu’une de ces grandes œuvres de l’industrie moderne trouve à peine le temps d’arriver au terme, tout a été plusieurs fois bouleversé à la surface. Le milieu où l’on vit, où l’activité publique se développe, n’est plus . le même. Les institutions, les tendances de l’opinion, les noms, les symboles qu’on invoque, ont complètement changé. De nouveaux hommes, de nouveaux pouvoirs viennent périodiquement présider aux mêmes entreprises, presque toujours plus durables qu’eux. Il est tel travail auquel trois ou quatre gouvernemens ont mis la main, et qu’un gouvernement plus heureux, sinon le plus attendu, inaugure dans la solennité des fêtes publiques. Les révolutions politiques se sont succédé, l’œuvre matérielle est arrivée à sa fin. Les peuples oublient les révolutions et ce qu’elles font disparaître, ils n’aperçoivent que l’œuvre matérielle accomplie et ceux qui se trouvent là pour en inaugurer les bienfaits, sans trop se demander sous quelle zone constitutionnelle ils ont le bonheur de vivre. Est-ce légèreté, oubli, facilité inconséquente à passer d’un extrême à l’autre et à s’accommoder de tous les régimes ? Les révolutions contribuent sans doute étrangement à développer ce scepticisme à l’égard des