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poésie sublime qu’il renferme, toucher à des matières sacrées.avec les procédés de l’art profane, introduire en ces domaines de la vérité immuable une pensée nécessairement capricieuse, lors même qu’elle se croit sûre de sa bonne volonté et de sa force, il n’est pas pour l’écrivain de plus périlleuse épreuve. Il y a deux manières d’entendre la poésie catholique : ou bien l’auteur essaie audacieusement la glorification des dogmes, il essaie de peindre les splendeurs du monde invisible et de donner une forme arrêtée à ce que Bossuet appelle l’incompréhensibilité des mystères. C’est la méthode qui offre le plus de difficultés, celle qui exige les conditions les plus rares et de l’artiste lui-même et des esprits auxquels il s’adresse ; Dante seul y a réussi. Soutenu par son temps, par les croyances générales, par l’imagination d’une société chrétienne, Dante a pu figurer dans son poème le merveilleux symbole des choses qu’on ne voit pas. Au contraire, tous les poètes modernes y ont échoué. Cette poésie catholique qu’ils cherchaient en vain, elle est bien autrement grande chez les théologiens et les orateurs sacrés ; les images des poètes rapetissent trop souvent l’infini, tandis qu’un théologien inspiré, sur les ailes de l’idéalisme, nous emporte avec lui au sein de l’éternité, et, sans rien décrire avec précision, nous fait soupçonner la majestueuse poésie îles dogmes. Lorsque Bossuet, dans ses Elévations sur les mystères, cherche en quelques lignes à formuler l’idée de Dieu, il y a sans doute dans ce simple et magnifique dessin plus de grandeur, plus d’émotion, plus de poésie enfin que dans toutes ces Jérusalems célestes dont les poètes nous décrivent les palais de diamans et les escaliers de porphyre. L’autre procédé est plus accessible à notre faiblesse ; il consiste à peindre, non pas la réalité divine qui nous échappe, mais les sentimens que les dogmes religieux éveillent en nous. Cette poésie subjective, pour employer le terme des Allemands, est la seule qui semble convenir aux siècles modernes. Elle est appropriée à un temps où l’unanimité des croyances a disparu. Comme elle vient du cœur et s’adresse au cœur, elle peut être comprise de ceux-là mêmes qui admettent d’autres symboles. La lutte des émotions contraires, le combat de la vérité et de l’erreur dans une ame loyale sera toujours un des plus nobles spectacles qui puissent captiver les esprits. N’est-ce pas là ce qui fait la beauté des premières Méditations de Lamartine ? Ce n’est ni le procédé poétique de Dante, ni l’inspiration du Lamartine de 1820 que M. Oscar de Redwitz a suivis ; il n’est pas assez téméraire pour vouloir peindre les mystiques splendeurs de l’éternité, mais il n’a pas non plus assez d’expérience, il n’a pas assez partagé les douleurs et les inquiétudes de son temps, pour chanter la conscience du XIXe siècle. Son poème n’est pas le poème de la vie religieuse, le poème de la soumission et de la discipline austère hardiment opposées aux désordres de l’orgueil ; qu’est-ce donc ? — Une œuvre où la pensée