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réformateurs modernes ont tous commencé comme les plus simples des mortels, en balbutiant la langue qu’on parlait autour d’eux, en empruntant au passé les premiers élémens de leur vie intellectuelle. Après avoir essayé sa veine sur une foule de sujets, après avoir imité tant bien que mal d’abord les symphonies de Beethoven, puis les opéras de Weber, dont le Freyschütz excitait alors l’enthousiasme de l’Allemagne, M. Wagner fut surpris par la révolution de juillet, qui produisit sur son esprit une très vive impression. L’occupation de la Pologne par les Russes, qui en fut le triste résultat, excita surtout dans le cœur de M. Wagner de nobles sentimens de commisération. Nommé chef d’orchestre à Magdebourg en 1884, il fit représenter sur le théâtre de cette ville un opéra intitulé la Novice de Palerme, dont le poème et la musique étaient de sa composition. Cet opéra, représenté le 27 mars 1836, n’eut aucun succès, ce qui décida M. Wagner à aller chercher fortune ailleurs. En quittant Magdebourg, M. Wagner se rendit à Kœnigsberg, et puis à Riga, où il ne resta pas long-temps, et d’où il partit pour venir à Paris au commencement de l’année 1839. Dénué de toute espèce de ressources, connaissant à peine la langue du pays où il voulait s’ouvrir une carrière, M. Wagner se trouva bientôt dans la plus triste position. Il fut obligé, pour vivre, d’arranger pour toutes sortes d’instrumens la musique des compositeurs en vogue, travail ingrat et obscur qu’il n’eut pas la force de continuer. Après avoir supporté avec beaucoup de courage les épreuves douloureuses qui sont le partage de tous les artistes, après avoir écrit quelques articles de journaux, qui furent traduits par ses amis et qui ne passèrent point inaperçus, M. Wagner, qui avait espéré que l’Opéra lui ouvrirait ses portes et lui permettrait d’essayer la valeur de ses conceptions dramatiques, dut renoncer au brillant avenir qu’il avait rêvé, et retourna dans son pays en 1842. Il y était appelé par la promesse qu’il avait reçue qu’on jouerait à Berlin son opéra du Vaisseau-fantôme, et il apportait encore avec lui un autre ouvrage dramatique, Rienzi, dont il avait écrit également le poème et la musique pendant son séjour à Paris. M. Wagner se rendit d’abord à Dresde, où le jeune compositeur, encore inconnu, fut chaudement recommandé par Meyerbeer, dont l’obligeance et l’amabilité égalent le magnifique talent. L’opéra de Rienzi, qui fut représenté avec succès sur le grand théâtre de Dresde, tira tout à coup M. Wagner de l’obscurité profonde où il avait vécu jusqu’alors, et lui valut sa nomination de maître de chapelle du roi de Saxe, place qui avait été occupée dix ans auparavant par l’illustre Weber. Heureux de la position inespérée qu’on venait de lui faire, M. Wagner fut surpris dans ses préoccupations de réforme dramatique par la révolution de février 1848, qui eut en Allemagne de si funestes contrecoups. M. Wagner n’était pas homme à comprendre ce que le devoir et la reconnaissance lui prescrivaient de faire dans une pareille circonstance, et, au lieu de rester tranquille et de souffrir au moins le mal qu’il ne pouvait empêcher, il descendit dans la rue, et prit une part active à la révolte de la population de Dresde, qui avait pour but de détrôner le roi de Saxe, son bienfaiteur. Quelques mois après, l’armée prussienne ayant rétabli le gouvernement du roi, M. Wagner fut obligé à son tour de quitter Dresde, et de traîner