Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/998

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plantes qu’elles rapportaient dans de vastes paniers ; elles étaient aussi occupées à la recherche de certaines herbes et à la récolte des fruits qui viennent naturellement dans ces régions. Les travaux de l’approvisionnement achevés, la tribu regagnait son village, composé d’un amas de huttes coniques légèrement construites avec des bâtons et des branches d’arbre recouvertes d’herbes. Jusqu’à épuisement complet des provisions, les Indiens restaient dans une inaction dont ils ne sortaient que pour se livrer avec frénésie aux plaisirs du chant et de la danse. Les étranges cérémonies de leur croyance et les fréquens combats qu’ils se livraient de tribu à tribu se partageaient avec ces divertissemens leurs heures de loisir.

On retrouve ces mœurs dans toute leur rudesse primitive du côté oriental des montagnes de la Sierra-Nevada ; c’est de là que viennent assez souvent, dans la partie la plus fréquentée de la Haute-Californie, des bandes d’Indiens animés d’intentions hostiles envers la nouvelle population. Des attaques sérieuses de leur part ont même nécessité l’intervention réitérée du gouverneur de la Californie. Aux débuts de l’exploitation des terrains aurifères, plusieurs émigrans ont eu à se défendre contre ces bandes sauvages, qui ont fait souvent de nombreuses victimes, autant par leur habileté à lancer des flèches que par leur système d’attaques soudaines et imprévues. Ce danger pour l’émigrant diminue chaque jour, au fur et à mesure des vigoureuses résistances et des pertes qu’éprouvent les Indiens, lorsqu’ils viennent disputer le sol à la nouvelle population. L’accroissement de celle-ci ne tardera pas à le faire disparaître entièrement. Quant aux Indiens qui vivent entre la Sierra-Nevada et la mer, sans être plus civilisés que ceux dont je viens de parler, ils sont généralement inoffensifs. Entourés d’Américains et d’Européens, ils n’ont jusqu’à présent puisé dans leur commerce avec les émigrans qu’une triste propension à l’ivrognerie.

Au mois de décembre 1850, j’étais allé faire une excursion sur les placers de la Yuba avec deux fort aimables compagnons de voyage, tous deux anciens officiers de l’armée française ; chemin faisant, nous rencontrâmes de ces Indiens isolés ou réunis par tribus qui paraissaient tous d’une excessive timidité ; les plus jeunes se cachaient derrière les arbres à notre approche ; les autres pouvaient à peine supporter nos regards, malgré notre ardent désir de ne pas les intimider. Je pensai d’abord que la vue de nos armes à feu avait pu leur inspirer des craintes ; mais je ne tardai pas à m’apercevoir, par une plus longue fréquentation, que les Indiens de la Californie avaient constamment la même attitude vis-à-vis des Européens. Ces nomades habitans des solitudes californiennes sont en général d’une taille élevée, et qui semble indiquer un tempérament robuste. Leur couleur est à peu près celle du mulâtre, mais avec un reflet rougeâtre ou plutôt cuivré ; leurs traits sont empreints d’une grande grossièreté, et leur conformation gênérale