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Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/1053

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CONSTANTIN. — Si votre altesse remonte sur le trône de ses pères, ses peuples, je pense, ne nous envieront jamais le droit de confédération.

YOURII. — Et ils ne l’auront jamais !

LE PRINCE ADAM, haut à la princesse. — Marie, servez le prince. (Bas à son frère.) Constantin, fais armer nos heiduques, lever le pont-levis; deux ou trois hommes sur le donjon et quelques Cosaques pour battre les bois d’alentour. La retraite du prince est découverte. — (la princesse Wiszniowiecka offre de l’eau-de-vie à Yourii.)

CONSTANTIN, bas. — Ah ! grand Dieu !

YOURII. — Qu’avez-vous, prince, vous semblez ému?

LE PRINCE ADAM. — Rien, monseigneur.

YOURII. ~ Ce voiévode vous a porté quelque message étrange ?

LE PRINCE ADAM. — Un message surprenant, en effet.

YOURII. — Peut-on rapprendre?

LE PRINCE ADAM. — Le voiévode de Tchernigof m’avertit de la part du tsar... de Boris, veux-je dire, qu’un étranger dangereux est dans ce château, et que si je veux le livrer...

YOURII. — Boris est bien servi par ses espions. Je croyais les avoir complètement déjoués. (A la princesse.) Voilà de l’eau-de-vie excellente, madame.

MINSZEK.. — Quelle infamie !

YOURII. — Offre-t-il une forte somme pour ma tête?

LE PRINCE ADAM. — Ah ! monseigneur, m’offrît-on tous les trésors de l’univers!...

YOURII, à la princesse. — Veuillez prendre ma main, (Il fait un pas pour sortir.)

MINSZEK.. — Monseigneur, nous sommes ici à quelques milles de la frontière, et ces misérables pourraient trop facilement tenter un crime... Si vous daigniez vous rendre avec moi dans ma ville de Sambor en attendant que sa majesté prenne des mesures pour que vous soyez reconnu dans ce pays...

LE PRINCE ADAM. — Mniszek a raison, monseigneur, nous irons tous à Sambor.

MARINE ET LA PRINCESSE. — Oh! monseigneur, partez! allons à Sambor.

YOURII. — Pas avant dîner, je pense. Qu’ai-je à craindre quand je suis sous la garde de gentilshommes polonais? (Il sort donnant la main à la princesse. Tous le suivent.)




A partir de ce moment, l’histoire du faux Démétrius n’a plus de mystères, et j’ai déjà dit où l’on pourrait trouver la suite de ses aventures Mes quinze jours de loisir étaient expirés, et je craignis de continuer ce drame, me rappelant le marquis de Mascarille, qui voulait mettre toute l’histoire romaine en madrigaux.


PROSPER MERIMEE.