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LA


LITTÉRATURE JAUNE.





II.




I. — LITTÉRATURE DE MOEURS ET MŒURS LITTÉRAIRES.

Les comédies patriotiques et satiriques de Dupré et l’opéra de Juste Chanlatte[1] ne nous ont fait connaître qu’un des moindres aspects du mouvement intellectuel d’Haïti; il nous reste à l’étudier dans ses trois autres manifestations, à commencer par la littérature de mœurs proprement dite. Cette littérature a de nombreux obstacles à vaincre pour se faire jour en Haïti, et le principal de tous, c’est la proximité et l’abondance même des matériaux qui lui sont offerts. Dans ce pénible travail de fusion qui met, depuis un demi- siècle, aux prises la minorité presque française des sang-mélés avec la prépondérance numérique des Africains, et les réminiscences nègres de ceux-ci avec d’incessantes et naïves contrefaçons de la civilisation européenne, tout doit être excentrique et fortement accentué; mais, par cela seul que l’excentricité est ici la règle, le fait normal, elle frappe difficilement l’attention des écrivains qui vivent dans ce milieu, et surtout d’un public qui ne comprend pas de manière d’être différente de la sienne. Les perspectives morales, aussi bien que les autres, ne peuvent être embrassées que dans un certain lointain, et encore, pour bien saisir

  1. Voyez sur Chanlatte et Dupré la première partie de cette étude dans la Revue du 1er septembre.