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Scènes et mœurs
des
rives et des côtes.


L’ÉCLUSIER.



I.

Le grand canal de l’Ouest, qui relie la mer à la Vilaine et ouvre à la navigation une voie ininterrompue depuis la haute Loire jusqu’à Brest, traverse, dans la dernière partie de son parcours vers l’Océan, une contrée sauvage, à peine parsemée çà et là de quelques fermes solitaires. L’œil chercherait en vain sur les deux rives des villages ou des champs cultivés ; il n’y rencontre partout que d’immenses bruyères entrecoupées de touffes d’arbustes et de longues steppes marécageuses, sur lesquelles tournoient des volées d’oiseaux aquatiques. En vain avait-on espéré raviver ces mornes contrées en y faisant circuler par une nouvelle artère le commerce et l’industrie : tout y est resté immobile comme par le passé. Aucune barque ne sillonne ces eaux au cours réglé ; les touffes d’aulnes ou d’ajoncs envahissent rapidement les berges gazonnées, l’herbe disjoint les pierres des écluses, et les maisonnettes bâties pour les éclusiers annoncent seules la présence de l’homme dans ces âpres solitudes.

À la porte de l’une de ces habitations placée à quelque distance du point de partage de Glomel, une jeune fille d’environ vingt-deux ans