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tion, au moment même où va se dénouer par le rétablissement de l’empire cette longue crise qui a commencé en 1818, et dont l’influence se fait sentir dans toute l’histoire contemporaine de l’Europe.

Il est vrai, la Belgique en particulier n’a point été entraînée dans le tourbillon des quatre dernières années ; mais la politique générale a plus d’une fois évidemment réagi sur elle. Elle n’a eu que des crises ministérielles, mais ces crises avaient leur sens dans l’ensemble de la situation actuelle de l’Europe. On a vu quelles difficultés rencontrait récemment la formation d’un cabinet en Belgique. M. Henri de Brouckère avait été, dès l’origine, chargé de composer un ministère, et, tout en prétendant se tenir en dehors des partis qui divisent le parlement, il avait un moment cependant reculé devant cette division même. Quelques combinaisons avaient été alors infructueusement essayées. Il est à croire que la réflexion est venue à tout le monde, que de toutes parts on a senti l’impossibilité de former un cabinet d’une signification politique tranchée, et M. Henri de Brouckère a été rappelé au conseil, comme ministre des affaires étrangères, par le roi ; il s’est adjoint M. Piercot, bourgmestre de Liège, comme ministre de l’intérieur ; M. Faider, avocat-général à la cour de cassation, comme ministre de la justice ; M. Liedts, négociateur du traité avec la France, comme ministre temporaire des finances ; les autres ministres sont les membres non politiques du précédent cabinet. Maintenant le cabinet nouveau existe : il s’est présenté aux chambres. Ainsi que nous l’avons indiqué, c’est un ministère en quelque sorte neutre et de transaction, appelé à régler et à liquider une situation difficile. Sans une autorité propre bien réelle, il a en ce moment la force de tout cabinet arrivé au pouvoir pour mettre fin à des questions que tous les partis veulent voir résolues, et qu’ils ne veulent point se charger de résoudre eux-mêmes. C’est ce qui fait que le cabinet de Bruxelles ne rencontrera pas très probablement d’opposition, même sur les points les plus graves et les plus délicats. Conciliation à l’intérieur et à l’extérieur, tel est le fond de la politique qui a été exposée devant le parlement. On a cru trouver cela énigmatique ; on s’est demandé ce que le nouveau ministère belge pouvait entendre par adoucir et tempérer certaines lois récemment votées, sans en altérer les principes et l’essence. Il n’est peut-être point difficile de pénétrer l’obscurité : cela veut dire que les membres de la nouvelle administration ne seront point impérieux et cassans comme MM. Rogier et Frère, qu’ils ne publieront pas la correspondance des évéques, comme cela a été fait assez peu convenablement, qu’ils tâcheront de faire une vérité de l’art. 8 de la loi du 17 juin 1850 sur l’enseignement religieux dans les établissemens publics, qu’ils feront en un mot tout ce qu’il est honorablement possible de faire pour obtenir le concours refusé par l’épiscopat au précédent ministère. Si on s’est également demandé ce que M. de Brouckère voulait dire en parlant de gages de sécurité à donner aux gouvernemens étrangers, l’énigme, nous le supposons, est dissipée aujourd’hui par la présentation d’une loi sur la presse qui assimile au délit d’offenses envers le roi le délit d’offenses, par une voie quelconque de la publicité, envers les chefs des gouvernemens étrangers. Voilà pourtant où conduit invariablement l’excès des polémiques violentes. Il y a peu de temps encore, des journaux de la Belgique prêchaient ouvertement l’assassinat contre le chef actuel de la France ; ils appelaient cela la liberté de la presse ! Ils n’a-