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parmi les savans du Nord ont voulu se soustraire en présence des envahissemens de l’Allemagne et dans une époque où l’archéologie, par ses étonnantes révélations, semble vouloir restituer à chaque nation ses litres. Érudits et archéologues se mirent à déchiffrer les textes islandais et à fouiller la terre. Alors succéda aux publications isolées d’Arne Magnusson et de Suhm un ensemble d’efforts soigneusement dirigés. Arne avait laissé en mourant, en 1730, une précieuse collection de deux mille manuscrits islandais et Scandinaves; une commission fut chargée de publier ces précieux manuscrits, et ce fut l’origine de quelques-uns des plus beaux ouvrages d’érudition du Danemark moderne. Rask, admirable linguiste et voyageur intrépide, donna, au commencement du siècle, ses plus savantes études sur la langue islandaise et sur les anciens monumens Scandinaves. Finn Magnussen enfin, Islandais de naissance, démontra quelles origines lointaines rattachent les croyances primitives des peuples du Nord aux principales théogonies de l’antiquité. Aujourd’hui l’essor est donné; la Société Royale de Copenhague a fait diversion aux travaux du Dictionnaire danois, qu’elle poursuit depuis quatre-vingt-dix-sept ans, pour publier beaucoup d’anciens monumens scandinaves, et un grand nombre de réunions savantes se sont formées depuis vingt-cinq ans à peine pour entretenir le zèle des érudits.

De leur côté, les antiquaires ont fouillé les tourbières et les tombeaux; les tourbières surtout sont devenues leurs Herculanum et leurs Pompéi : c’est de là qu’est sorti pièce à pièce, depuis une trentaine d’années seulement, tout le beau musée scandinave de Copenhague. Plus de dix mille objets, bien décrits dans un catalogue devenu populaire, y forment une histoire complète du paganisme et des premiers temps chrétiens dans le Nord. A côté de ce musée national est un musée ethnographique, auquel les nombreuses expéditions de la marine danoise apportent chaque jour du Groenland ou de la Sibérie les monumens les plus curieux des peuples qui ont appartenu de près ou de loin aux races Scandinaves. On conçoit combien de traits de lumière la comparaison de ces témoignages si divers d’origine a pu faire éclore. MM. Thomsen et Worsaae, conservateurs de ces galeries, ont pu, à l’aide de ces monumens, ouvrir à la science ethnographique des voies nouvelles. Dépassant l’horizon de l’histoire Scandinave, ils ont démontré, par de savantes recherches, l’existence de plusieurs générations d’hommes dont les annales écrites et la tradition même ont à peine fait mention. Les premiers progrès de l’humanité sont ainsi attestés par les innombrables restes du paganisme que possèdent les collections de Copenhague, et l’on peut y suivre pas à pas le curieux développement de l’industrie des hommes. Il est facile de comprendre combien ces galeries sont devenues populaires en Danemark, si l’on