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se rappelle combien l’instruction est répandue parmi le peuple, et si l’on a été témoin du zèle tout patriotique que M. Thomsen apporte à l’interprétation du musée dont il a été le véritable fondateur. Allez à Copenhague, et, qui que vous soyez, M. Thomsen vous expliquera dans votre langue l’ordre théorique et les arrangemens particuliers de chaque salle, de chaque armoire des deux musées. Ce n’est pas seulement d’ailleurs pour les voyageurs et les savans que M. Thomsen veut être un cicérone toujours prêt, c’est aussi et surtout pour le peuple de Copenhague, qui connaît bien M. Thomsen. Je me rappelle avoir vu ce digne antiquaire expliquer à des soldats, à des femmes et à des enfans l’usage et l’origine des armes singulières et des instrumens bizarres qu’ils avaient vus notés sur le catalogue. Après leur avoir parlé en danois, il vint à nous, nous entretint en français, en anglais, en allemand. Comme nous arrivions aux bijoux d’or massif fabriqués avec tant de goût et d’art par les Danois des premiers temps du christianisme, il prit pour nous la montrer une petite croix qui avait appartenu à la reine Dagmar, femme de Valdemar-le-Victorieux. « Ce fut pour tous, dit une ancienne ballade, pour le grand et le petit, pour le riche et le pauvre, pour le paysan et le bourgeois, une heureuse époque que celle de la reine Dagmar. Elle soulageait le bon paysan, qui vivait alors en paix et sans fardeau. Si le Danemark avait toujours eu de telles fleurs dans son parterre, on l’admirerait et on l’envierait beaucoup. Vogue le vaisseau qui porte la reine Dagmar ! » En entendant son nom si populaire, enfans et jeunes filles accoururent, à la grande joie de M. Thomsen et, je l’avoue, à la nôtre, pour contempler avec respect la précieuse relique de la bonne reine Dagmar. Heureux ce petit pays d’un million d’ames, où les bons sentimens se conservent d’autant mieux qu’ils sont enfermés dans une sphère un peu étroite !

M. Worsaae, plus jeune que M. Thomsen et déjà célèbre par ses nombreux travaux d’archéologie, poursuit avec ardeur en Suède, en Norvège, dans le nord de l’Allemagne, en Angleterre, en Irlande, en Écosse et en France, toutes les traces de la langue et de la civilisation des anciens scandinaves. Il vient d’explorer, cette année même, notre Normandie, à l’histoire de laquelle le récit de ses dernières recherches ajoutera certainement une page curieuse.

Pour peu que l’on creuse les riches sillons de l’archéologie, on rencontre partout l’Orient. Les savans du Danemark, entraînés par l’étude des antiquités du Nord à scruter les origines mêmes des peuples scandinaves, se sont trouvés bientôt en présence de ce berceau commun de l’humanité, et ils n’ont pas tardé à prendre un rang distingué parmi les orientalistes européens. Dès la fin du XVIIIe siècle, l’expédition envoyée en Orient par le ministre danois Bernstorf avait produit les relations