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d’Alexandrie. Pour alléger le poids d’une dépense qui s’élevait à 250,000 francs par an, le Times s’engagea à communiquer ses nouvelles en temps utile au Chronicle et au Post, à la condition qu’ils supporteraient leur quote-part des frais. Le Herald fut exclu de cet arrangement. Le propriétaire du Herald, homme entreprenant et actif, résolut non-seulement d’avoir des courriers comme le Times, mais même de gagner de vitesse ses rivaux. Assuré de la bienveillance du gouvernement français, il organisa de Marseille à Boulogne un service de relais de poste; il acheta en outre à la compagnie commerciale de la navigation à vapeur le meilleur de ses bateaux à vapeur, l’Ondine, qui eut ordre de stationner dans le port de Boulogne, de sortir en rade à marée basse et de chauffer jour et nuit, afin d’être toujours prête à transporter en Angleterre, contre vent et marée, les dépêches de l’Inde dix minutes après leur arrivée à Boulogne. Grâce à ces moyens extraordinaires, le Herald eut plusieurs fois la bonne fortune de devancer le Times pour les nouvelles de l’Inde; mais comme une seule administration ne pouvait supporter de si lourdes charges, il avait mis le Daily News de moitié dans la dépense. Ce fut un grand avantage pour le nouveau journal de trouver une organisation toute prête, et les victoires du Herald lui profitèrent autant qu’à son allié; mais le Times, qui avait surtout à cœur de détruire le Daily News, comme représentant du journalisme à bon marché, ouvrit des négociations avec le Herald. Un jour, le Daily News reçut les épreuves de la malle de l’Inde trop tard pour en faire usage, et trouva le lendemain dans le Times et le Chronicle les mêmes nouvelles que dans son associé. Le mois suivant, les courriers du Times ayant eu l’avantage, le Times communiqua fraternellement une épreuve au Herald, et le Daily News parut seul sans nouvelles de l’Inde. La défection du Herald était manifeste; elle eut pour conséquence une rupture. Le Daily News, au lieu de lutter à deux contre trois, se trouvait désormais seul contre quatre. Dans ces conditions, il lui fut impossible de conserver ses prix : le 1er février 1849, il reprit le format de huit pages et se mit à dix sous comme les autres journaux. Dès lors, la coalition qui s’était formée contre lui n’avait plus d’objet ; ses adversaires lui ouvrirent leurs rangs et cessèrent une guerre onéreuse pour tous. Aucune tentative pour fonder un journal n’a eu lieu depuis le Daily News. L’année dernière, nous avons vu annoncer pendant assez longtemps un journal qui devait porter le nom du Politician; mais nous ne croyons pas qu’un seul numéro ait paru.

Non-seulement le nombre des journaux ne semble pas devoir s’accroître sous l’empire de la législation actuelle, mais on peut dire qu’il tend plutôt à se restreindre. Si après l’abaissement du timbre, en 1836, tous les journaux sans exception ont vu le cercle de leurs lecteurs s’étendre, cette augmentation n’a pas tardé à faire place à un mouvement en sens contraire, ainsi que cela résulte du tableau suivant, qui présente le nombre des feuilles que chacun des journaux quotidiens de Londres a fait timbrer de 1837 à 1850. Ces chiffres, puisés aux sources officielles, établissent qu’à partir des années 1843 ou 1844, tous les journaux, à deux exceptions près, ont vu décroître régulièrement leur publicité. L’Advertiser, qui n’a point perdu, doit ce privilège à sa position toute spéciale, qui lui ouvre tous les restaurans et toutes les tavernes. Quant au Times, il a vu quadrupler sa clientèle.