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paroles de Burke produisirent un effet égal. Un membre demanda qu’elles fussent imprimées et affichées à la porte de toutes les églises. Un autre membre félicita les ministres que le public fût exclu de la galerie, car ni leur maison, ni leur vie n’aurait été en sûreté. « Qui n’a pas entendu Burke ce jour-là, écrivait sir George Savile, ne connaît pas le plus éclatant triomphe que puisse remporter l’éloquence humaine.» Mais le ministère avait encore plus de cent voix de majorité. Chaque jour, les faits donnaient plus raison à la politique de l’opposition, et rendaient plus difficile d’y revenir; car à mesure qu’elles étaient plus nécessaires, les concessions devenaient plus humiliantes et moins efficaces. Les revers engageaient l’honneur, l’orgueil du moins, à la plus funeste persistance. La hauteur provocante du gouvernement affaiblie par des retours de modération sans à-propos et d’indulgence sans sincérité, la prétention de pousser vivement la lutte en laissant une porte ouverte à l’accommodement, la confiance dans la force, sans l’art de l’employer, l’insolence et l’insuffisance des moyens, la raideur et l’inertie, tout devait amener la défaite comme un dénouement naturel. L’insurrection triompha; la guerre civile aboutit à une révolution, et l’opposition fut au pouvoir.

Mais, avant de l’y suivre et pour mieux juger de la situation de Burke quand ses amis devinrent ministres, voyons, en revenant sur nos pas, par quels autres actes il l’avait fondée, illustrée, et un peu compromise.

L’Irlande, traitée comme une colonie, était condamnée au monopole de l’Angleterre, et ne pouvait recevoir que d’elle les produits des établissemens britanniques dans les autres parties du monde. Un bill fut proposé pour lever en partie ces iniques restrictions, et cette fois d’accord avec le ministère, Burke l’appuya avec autant de franchise que de raison. On a remarqué qu’en toute occasion, à une époque où l’économie politique naissait à peine, il en professa les plus saines maximes. Supérieur aux préjugés du temps, il paraissait avoir pressenti les vérités de la science. Sur ce point, les précédens ne lui imposaient pas, et la tradition le touchait peu. Son esprit, guidé par ses principes généraux de liberté, devançait l’opinion et tendait à la liberté du commerce. C’est un des éloges qu’on aime le plus à lui décerner maintenant; mais les armateurs de Bristol étaient moins éclairés : ils lui cherchèrent querelle, et l’accusèrent de représenter l’Irlande plutôt que leur cité. Il répondit par deux lettres qui attestent à la fois les lumières de son esprit et l’indépendance de son caractère, et fidèle à ses principes sur la liberté de conscience parlementaire, il sût déplaire à ses commettans plutôt que de leur sacrifier la politique et la justice.

Avant de comparaître de nouveau devant eux, il acquit cependant