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après avoir (toujours comme à Venise) contraint le général d’Azara à livrer les forts à la garde nationale, elle le chasse de la ville avec ses troupes, et proclame la république. Sans la vaillante et rapide manœuvre du général de La Marmora, et nous pouvons ajouter aussi sans la généreuse intervention du maréchal Radetzky, lequel usa de tout son pouvoir pour empêcher la flotte de l’Adriatique, composée en majeure partie de Génois, de se déclarer pour le gouvernement insurrectionnel, l’acte de séparation était consommé. Et qui peut dire quelles complications nouvelles n’aurait pas amenées, non-seulement pour le Piémont, mais pour le repos de l’Italie entière, cette république génoise, renforcée de la division lombarde, dont un article de l’armistice conclu au lendemain de Novare semblait prononcer en vain la dissolution ?

Le 4 avril, La Marmora paraît devant les murs de Gênes. Avezzani, qui préside à la révolte, au lieu d’organiser la défense en haut des forts et des remparts, se contente de barricader les rues. La Marmora pénètre dans la ville et s’empare de quelques forts, d’où il bat en brèche par derrière les barricades, que ses bataillons attaquent de front. Les républicains prennent la fuite, et les derniers efforts de la résistance se concentrent dans le palais Doria, qui va devenir la proie des flammes, lorsque le général La Marmora fait suspendre l’attaque. L’insurrection est vaincue, on parlemente, le roi consent un armistice, et le 9 Avezzani et toute sa bande s’embarquent pour Rome, où ils vont en grande hâte préparer de la besogne à nos soldats. N’est-ce pas un incroyable spectacle de voir ce personnel des barricades plier bagage, une fois le rideau baissé sur tant de ruines et de cadavres, et reprendre imperturbablement de ville en ville la même pièce, toujours interrompue par la canonnade ! Chassés de Milan par Radetzky, ils arrivent à Gênes ; La Marmora les en débusque, ils tombent sur Livourne ; de Livourne d’Aspre ne les a pas plus tôt expulsés, que les voilà à Bologne, où, traqués par Wimpffen, ils se donnent rendez-vous à Rome ! « La république interrompue, » ainsi pourrait s’appeler cette œuvre de sang et de terreur, ce mauvais mélodrame dont tous les tréteaux de l’Europe ont vu le prologue, et dont aucun, grâce au Dieu des armées, n’a vu cette fois le dénouement.

Toute cette fin de la campagne d’Italie a le caractère romantique des guerres de châteaux-forts au moyen âge. Plus de batailles rangées dans les plaines de la Lombardie, mais des expéditions partielles sur tous les points. Le maréchal a fourni sa tâche, c’est le tour à ses intrépides lieutenans de guerroyer. — Brescia, Livourne, — Bologne, — épilogue terrible d’une épopée sanglante ! — A réduire Livourne, le fougueux d’Aspre met trois jours. À Brescia, Nugent est blessé à