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numéro du programme. Cette composition colossale, où le maître semble avoir voulu fondre dans une même conception tous les styles et toutes les formes musicales connues, depuis le récitatif dramatique jusqu’à l’hymne de grâce, et dans laquelle il offre le spectacle d’une imagination où l’on trouve la fantaisie adorable de l’Arioste s’unissant à la fougue idéale de Shakspeare, cette neuvième et dernière symphonie a été exécutée avec un très grand ensemble dont le public commence à comprendre la grandeur. Toutefois nous devons ajouter que le scherzo a été pris trop lentement par M. Girard, qui communique à tout ce qu’il touche son flegme désespérant. Après l’hymne d’Haydn, exécuté par les instrumens à cordes, morceau exquis par la suavité des idées autant que par la clarté de l’harmonie, Mme Laborde a chanté un Incarnatus est de Mozart avec accompagnement obligé de flûte, hautbois et basson, qui est aussi peu digne du nom qui l’a signé que de la Société des Concerts qui l’a choisi. Il faut honorer les maîtres dans les œuvres immortelles qu’ils ont laissées et couvrir leurs faiblesses d’un silence respectueux. C’est l’auteur d’Athalie, de Britannicus et à Andromaque qu’admire la postérité, et non pas celui des Frères ennemis et d’Alexandre. Le goût d’une époque éclairée comme la nôtre ne doit se laisser fasciner par aucun génie particulier, il faut juger les choses dans leur essence et conformément à la raison. Les chœurs des génies de l’Oberon de Weber, qui ont été chantés avec beaucoup d’ensemble et de justesse, et l’ouverture de Guillaume Tell, ont complété le programme de cette belle fête de l’art. Le troisième concert, qui a eu lieu le 6 février, a commencé par une agréable symphonie de M. Félicien David, qui renferme quelques parties estimables, entre autres l’andante, dont on a remarqué le thème élégant, qui rappelle fortement la manière d’Haydn. M. Félicien David est un musicien distingué, un homme de goût qui, sans avoir un grand nombre d’idées nouvelles, tire assez bon parti de son inspiration, et se meut avec grâce dans les limites très étroites de son empire. Après une scène de l’Euryanthe de Weber, dont M. Girard a encore méconnu le caractère et le mouvement, la scène s’est terminée par la symphonie en la de Beethoven.

La Société de Sainte-Cécile, fondée et dirigée par M. Seghers, marche à grands pas sur les traces de la Société des Concerts, son aînée et son émule. Dans un premier concert en dehors de l’abonnement, on y a exécuté avec un ensemble parfait la cinquante et unième symphonie d’Haydn et puis un Ave, verum, pour voix de ténor et chœurs de M. Gounod, morceau moins remarquable par la nouveauté de la mélodie que par le style vraiment religieux dont il est empreint. Les deux concerts d’abonnement qui ont succédé ont été aussi très brillans, et le public a pris définitivement sous sa protection cette réunion d’artistes courageux qui, sous la direction d’un chef habile et tenace, ont élevé presque une institution publique qui mériterait de fixer l’attention du gouvernement.

À côté de ces deux grandes sociétés consacrées à l’exécution des admirables poèmes de la musique instrumentale, il est juste de mentionner quatre vaillans virtuoses, MM. Maurin, Chevillard, Mas et Sabattier, qui se sont voués à l’interprétation (le mot est ici parfaitement à sa place) des derniers grands quatuors de Beethoven. Est-il nécessaire de rappeler qu’au milieu de l’œuvre immense de Beethoven, ce génie aussi fécond que sublime a composé