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qui se rencontrent çà et là dans les galeries de l’exposition. Il semble qu’une résurrection, une assomption ou un martyre soient des sujets qui ne tirent pas à conséquence et que peut aborder quiconque sait grouper tant bien que mal quelques figures, assembler des lignes et ajuster des tons conformément à certaines règles techniques. Il n’est si mince artiste qui ne suffise à cette besogne, et si l’on ne se sent pas toujours capable d’exécuter un portrait ou une bataille, on est toujours de force à peindre Dieu, la Vierge ou quelque saint. De là cette quantité d’œuvres qui, chaque année, vont s’emmagasiner dans les églises, après avoir passé presque inaperçues au salon ; de là aussi, en bonne partie, l’abaissement du goût public et le déclin de la grande peinture en France. Faute d’objets sérieux proposés à notre admiration, nous nous tournons vers des objets qui nous amusent ; à force de rencontrer des noms obscurs ou des talens secondaires là où devraient briller les noms des maîtres et les talens d’un ordre élevé, nous nous accoutumons à croire que ce que l’on appelle la peinture d’histoire n’est plus bon qu’à défrayer les médiocrités, et que l’art véritable consiste désormais dans l’expression de la fantaisie ou l’imitation d’une réalité vulgaire.

Quelques tableaux, appartenant à peu près par la nature des sujets à la classe des tableaux religieux, révèlent cependant des tendances particulières et caractérisent, au salon de 1853, une des innombrables sectes qui divisent notre école : nous voulons parler de ces compositions où les élémens de la peinture d’histoire et les élémens de la peinture de genre entrent dans des proportions égales et soigneusement mesurées, où la transcription scrupuleuse de la réalité s’allie à une certaine recherche de l’idéal. Une pareille méthode a ses dangers : il n’est pas rare de voir les peintres qui l’adoptent tomber, à force d’éclectisme, dans l’indécision et la langueur ; mais il arrive aussi que des œuvres conçues en vertu de ces modestes principes plaisent par leur modération même, et qu’elles reposent le regard fatigué du spectacle de tant d’œuvres ambitieuses ou médiocres. La Prière à l’Hospice, que M. Pils a peinte dans les dimensions et le style d’un tableau d’histoire, tout en conservant fidèlement aux détails leur simplicité essentielle, peut être considérée comme un des meilleurs échantillons de cet art à la fois sérieux et familier. Des enfans malades et en costume d’hôpital, agenouillés à côté de deux religieuses hospitalières, telle est la donnée pittoresque, un peu chétive, choisie par M. Pils, mais qu’il a traduite avec goût et distinction. Il semble, qu’un reflet de la lumière sereine et du chaste sentiment de Lesueur éclaire cette humble scène, et le peintre, sans pousser jusqu’à la curiosité minutieuse l’étude des objets inanimés, s’est très habilement conformé aux conditions d’imitation textuelle que comportait un pareil sujet. Celui que M. Bénouville a traité exigeait dans l’agencement et dans l’exécution matérielle un goût un peu plus sévère. Pour nous montrer Saint François mourant bâtissant la ville d’Assise, il ne suffisait pas en effet de grouper autour de la figure principale quelques figures naïvement copiées sur la nature, il fallait encore qu’une impression de grandeur résultât de la reproduction précise de la réalité, et que les détails vrais laissassent à l’ensemble de la scène, sa physionomie austère et sa grave signification. C’est ce que M. Bénouville a fort bien compris. Depuis l’expression des têtes jusqu’à l’apparence des draperies, depuis les lignes majestueuses du paysage jusqu’à l’effet des plus simples accessoires,