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« Continuez votre belle et excellente besogne, achevez votre ouvrage, et rendons-leur service en dépit de leur ingratitude. L’affaire terminée à notre honneur par vous, je les prierai de s’assembler chez moi, et qu’ils m’ordonnent de me joindre à une députation pour vous aller remercier de toutes vos sollicitudes. Nous ne pouvons vous offrir que cela. Ils le feront, ou je me sépare d’eux pour le reste de ma vie, qui n’a plus besoin que de repos et de votre amitié.

« Je vous embrasse de tout mon cœur, et laissons les mauvaises têtes pour ce qu’elles sont. »

« Ce 3 mai 1780. »


Après deux arrêts du conseil d’état, plus ou moins contradictoires, obtenus successivement le 17 mars et le 12 mai 1780, sous l’influence rivale de Gerbier et de Beaumarchais, un troisième arrêt du 9 décembre 1780 étouffa provisoirement le débat entre les auteurs et les comédiens, en adoptant le procédé favori de ces derniers, une cote mal taillée. Cet arrêt statuait au profit des auteurs : 1o que les comédiens seraient obligés de faire entrer dans leur compte de recette non plus seulement le produit casuel de la porte, mais tous les élémens de la recette, loges louées pour la représentation, loges louées à l’année, abonnemens à vie, etc. ; 2o le roi accordait aux auteurs plus encore qu’ils n’avaient demandé : il leur donnait, non plus le neuvième, mais le septième de la recette. Seulement cette faveur était annulée par l’article 11 de ce même arrêt du conseil, qui statuait au profit des comédiens que la somme de recette au-dessous de laquelle une pièce tombait dans les règles, et devenait leur propriété, serait portée, de 1,200 livres l’hiver et 800 livres l’été, à la somme de 2,300 livres pour l’hiver et 1,800 livres pour l’été, c’est-à-dire que les comédiens, sacrifiés d’un côté, recevaient de l’autre un avantage exorbitant, qui leur permettait d’échapper au partage du septième, en faisant tomber la pièce au-dessous de 2,300 livres de recette, ce qui n’était pas bien difficile et ce qui leur en donnait la pleine propriété. Il me semble qu’on ne peut rien imaginer de moins judicieux que cet arrêt ; c’était pour les acteurs une provocation permanente à s’affranchir d’une condition rigoureuse en faisant tomber la pièce dans les règles pour la relever ensuite, et jouir de ses produits sans partage. Cette méthode de compensation était en elle-même si absurde, que des deux parts on renonça à la pratiquer. Les intérêts entre acteurs et auteurs continuèrent à se régler sur l’ancien pied, au milieu des récriminations réciproques et des comptes arbitraires des comédiens, jusqu’à la révolution. Seulement l’association des auteurs dramatiques, fondée si péniblement par Beaumarchais, se maintint tant bien que mal. Chaque année jusqu’à la révolution, on la voit agir de temps en temps, soit pour régler à l’amiable des contestations entre auteurs, soit pour solliciter vai-