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de la métropole, de l’autre contre les peuplades indigènes et les colonies rivales. S’il convient de laisser au Vénitien Sébastien Cabot l’honneur d’avoir découvert les côtes de l’Amérique septentrionale depuis la Floride jusqu’au Labrador, il faut reconnaître aussi qu’il fut suivi de près par nos marins. À la tête de l’expédition dont Henri VII d’Angleterre lui avait confié le commandement, Cabot visita ces parages en 1497, et, trois ans après le voyage du navigateur vénitien, — à l’époque où le Portugais Cortereal explorait ces mêmes rivages, — les Bretons, les Normands, les Basques, disent des documens anciens, pêchaient déjà la morue sur le banc de Terre-Neuve et sur les côtes du Canada. Un peu plus tard, en 1518, un Français, le baron de Léry, tenta de fonder un établissement dans le nord de l’Acadie, aux lieux que fréquentaient le plus volontiers nos bâtimens pêcheurs : son projet échoua. En 1523, le Florentin Verazzani, envoyé par François Ier, mit à la voile avec la Dauphine, qui portait cinquante hommes d’équipage, toucha les côtes de la Floride et remonta jusqu’au 50e degré de latitude nord. La triste fin de Verazzani, qui périt à son troisième voyage, les guerres d’Italie et la captivité de François Ier empêchèrent les Français de former aucune entreprise de colonisation jusqu’en 1534.

À cette époque, l’amiral Philippe de Chabot, voyant le succès des Portugais et des Espagnols dans l’Amérique méridionale, proposa au roi de reprendre ses desseins sur le Nouveau-Monde. Les pêcheries considérables que nos navigateurs avaient établies sur les côtes de Terre-Neuve devaient servir de noyau aux colonies futures. Jacques Cartier s’embarqua, avec une soixantaine de Malouins, sur deux petits bâtimens. Poussé par un vent favorable, il atteignait Terre-Neuve en vingt jours. Dans un second voyage, il découvrit le Saint-Laurent, qu’il reconnut jusqu’à Montréal. Cette fois il avait quitté Saint-Malo à la tête d’une petite escadre de trois navires portant ensemble cent dix hommes ; des gentilshommes bretons l’accompagnaient en qualité de volontaires, et l’évêque, revêtu de ses habits pontificaux, avait béni ces pieux et hardis aventuriers après une messe solennelle « à laquelle ils avaient tous communié très dévotement. » L’expédition hiverna au Canada, au pied de la bourgade indienne nommée Stadaconé, et qui devint la belle et forte ville de Québec. Les naturels accueillirent partout les Français avec des marques de respect. Ils baisèrent les bras de Jacques Cartier, qui leur apparaissait comme un personnage extraordinaire. À Hochelaga (Montréal), ils lui présentèrent les malades et les infirmes pour qu’il les touchât de ses mains, et le chef indien lui offrit le bandeau de fourrure rouge, simple diadème qui ceignait son propre front. Toutefois la rigueur du climat et le scorbut, qui ne tarda pas à se déclarer parmi les Français, réduisit la petite troupe de Jacques Cartier aux plus