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principes de la révolution, de soutenir le pouvoir, de l’assister dans ses embarras, de le couvrir dans ses périls, enfin de lui passer les exigences et même les fautes qui ne compromettaient rien d’essentiel. C’est à eux que revenait presque constamment la tâche ingrate de réprimer les complots ou les menaces des ennemis de la royauté protestante. Ils n’avaient pu le faire toujours avec une juste mesure, jamais sans paraître se départir en quelque chose des principes de liberté et de tolérance que réclamaient ceux-là surtout à qui ces principes étaient nouveaux. Tandis que le prince les trouvait encore trop près d’être républicains et se plaignait de leur jalousie envers le pouvoir, il obtenait assez d’eux pour que leurs adversaires les appelassent des courtisans. Dans le langage des partis, on est courtisan quand on appuie la royauté, républicain quand on défend la liberté, traître ou déserteur quand, de l’opposition montant au pouvoir, on soutient le gouvernement qu’on a voulu ; jamais on ne peut changer de situation sans passer pour changer de principes. Les tories n’épargnaient pas ces injustices à leurs adversaires, et, les accusant d’une souplesse excessive, se donnaient le facile avantage de les mettre en contradiction avec leur passé, sans négliger de montrer au besoin que le gouvernement pourrait trouver ailleurs des appuis plus honorables et plus consistans. Ils dénonçaient tour à tour leurs adversaires comme trop complaisans pour des whigs, ou trop révolutionnaires pour des royalistes ; eux seuls ils étaient le parti qui aurait su être gouvernemental avec indépendance et monarchique sans apostasie. Parfois opposans jusqu’à l’hostilité contre les principes de 1688, ils ne l’étaient pas contre le pouvoir royal en lui-même, et semblaient s’offrir à lui comme une réserve, aux Stuarts comme une avant-garde. Parmi eux d’ailleurs un grand nombre avaient pris part à la révolution. Les conséquences leur en pouvaient déplaire, et parmi ces conséquences la plus déplaisante était la puissance des whigs. C’est au point que, si cette puissance eût été exclusive et perpétuelle, l’irritation, la défiance et la crainte auraient peut-être replié successivement tous les tories sur les jacobites. Jamais cependant ils ne se laissèrent pousser tous à cette extrémité : une modération véritable ou une ambition intelligente retint plusieurs de leurs chefs dans un état de disponibilité pour le ministère. Le concours primitif des deux partis dans l’établissement de la dynastie nouvelle, leur force respective, la politique de Guillaume, n’avait presque jamais permis que le torisme fût absolument exclu de l’administration. Il y fut sans cesse représenté, soit par des hommes qui n’en avaient jamais renié les principes, soit par ces habiles, plus sincères qu’on ne croit, qui touchent alternativement aux deux partis, et qui peuvent les servir tour à tour sans les captiver ni les compromettre.