Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 3.djvu/485

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’esprit des pèlerins revivait tout entier en Samuel Adams ; la passion politique était entretenue et enflammée chez lui par la passion religieuse. Ni Endicott, ni Higginson, ni même aucun des indépendant du long parlement n’eut pour l’épiscopat et pour la royauté une haine plus vivace et plus vigoureuse : un fanatisme inexorable fut la source de tous ses écrits et la règle de toute sa conduite. Ce fut en 1743 qu’il soutint à Harvard son second examen pour la maîtrise ès-arts ; il choisit pour sujet de thèse la question suivante : « Est-il légitime de résister au magistral suprême, si la communauté ne peut être sauvée autrement ? » C’était à mots couverts et sous le vêtement de l’école la question de la légitimité du droit d’insurrection. Samuel Adams se prononça pour l’affirmative. Il avait économisé une partie de la pension que ses parens lui faisaient à l’université : à sa sortie, il employa cet argent à publier une brochure intitulée : Englishmen’s Rights, où il revendiquait pour les colons tous les droits des citoyens anglais ; mais l’important était de définir ces droits, et le pamphlet d’Adams, qui semblait n’être qu’un exposé des principes whigs, contenait en substance une théorie qui conduisait droit au républicanisme.

Le père de Samuel Adams le destinait au barreau ; sa mère voulait le tourner vers le commerce : le jeune maître ès-arts se consacra presque exclusivement à la politique, il rassembla ses anciens camarades de l’université et les compagnons de sa jeunesse, et forma une société où l’on débattait les affaires de la colonie. Le public ne se blessa point des opinions ardentes de ces jeunes gens, ni de la liberté et de la vivacité de leur tangage ; il n’y vit que l’exagération naturelle à leur âge, et il appela ironiquement les réunions présidées par Adams le club des claqueurs de fouet. Cependant Samuel Adams ne s’en tint pas à des paroles : il s’entendit avec les imprimeurs Rogers et Daniel Fowle, pour la publication d’un journal auquel chacun des membres du club serait obligé de fournir à son tour un article. Ainsi naquit en 1748 l’Independent Advertiser, qui avait pour vignette l’image de la déesse de la liberté, et qui fixa immédiatement l’attention par l’attitude hostile qu’il prit vis-à-vis du gouverneur de la colonie. Au nombre des jeunes gens qui rédigeaient ou inspiraient ce journal était un homme remarquable qui, en 1747, à l’âge de vingt-sept ans, avait été élu ministre d’une des principales paroisses de Boston. C’était le fondateur de la secte des unitaires, aujourd’hui en majorité dans le Massachussets ; c’était Jonathan Mayhew, le premier membre du clergé américain qui ait osé rejeter ouvertement le dogme de la Trinité. Mayhew, pour son début, prêcha et fit imprimer un sermon sur les droits du jugement individuel dans les matières de foi ; mais, par une conséquence facile à prévoir, l’orateur qui revendiquait pour la conscience une indépendance sans contrôle dans le domaine spirituel devait admettre difficilement que l’homme ne fût pas aussi le souverain juge de ses obligations dans l’ordre temporel. Mayhew, qui rompait avec l’orthodoxie calviniste, ne devait pas s’incliner davantage devant le prestige de l’autorité monarchique. Le 30 janvier 1749, anniversaire séculaire de la mort de Charles Ier, avait été, des deux côtés de l’Atlantique, pour la plupart des prédicateurs, l’occasion de payer un tribut d’hommages à la mémoire d’un prince Infortuné, et, pour les théologiens anglicans, le prétexte d’exposer leurs théories favorites sur l’autorité royale.