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elle apporte du ciel le voile monacal à sainte Aldegonde, la sainte ampoule à Clovis. Quand les confesseurs de la foi meurent dans la flamme des bûchers, c’est sous la forme d’une colombe que leur âme retourne vers le Créateur. Isaïe semble lui attribuer le don de la méditation : Médilabor ut columba. À travers le moyen âge, elle apparaît toujours avec une éblouissante et poétique auréole, et les mystiques endormis par l’extase lisent des noms mystérieux et sacrés sur l’azur changeant de ses ailes, comme on lisait le nom de la Vierge écrit avec de la poudre d’or sur les lis du jardin de Citeaux. Dans les monumens, elle garde exactement ce même caractère ; elle représente la science supérieure, l’illumination divine, l’âme, la mort des justes, la pureté, et par cela même elle personnifie les apôtres, les saints, l’église, la descente de l’Esprit saint, l’Esprit saint lui-même, et le Christ. L’aigle, mysticus ales, l’oiseau de l’apothéose païenne, personnifie l’âme élevée au-dessus des choses terrestres, et comme les Bestiaires enseignent qu’il se rajeunit en montant vers le soleil, bien au-delà des nuages, les artistes en font aussi l’emblème de l’ascension et de la résurrection du Christ, conformément à ces paroles de saint Bonaventure : Christus comparatur aqviloe et resurrectione et ascensione. Il en est de même du pélican : on croyait au moyen âge qu’il se perçait la poitrine, non pour nourrir ses petits, comme le dit encore de nos jours une tradition populaire, mais pour les ressusciter sous l’aspersion de son sang, et à ce titre il est l’image de la charité, de la passion et de la résurrection du Sauveur. Cette signification est formellement exprimée par la légende qui se lit au-dessous de la figure du pélican, dans l’oratoire du château de La Barre :

Je suis d’une dive nature
Car quant je vœus (je vois) mourir les myens,
Vie leur rend par ma morsure ;
Ainsi fit Jésu Christ aux siens.

Ici, on le voit, l’emblème zoologique est complètement d’accord avec la tradition littéraire, et s’applique avec exactitude aux personnifications mystiques. Il en est de même dans la partie qui se rattache à la personnification de Satan, des impies et des réprouvés. En effet, dans les écrivains ecclésiastiques et dans les Bestiaires, le diable est comparé à un aspic, à un loup, à une couleuvre, à un âne, à un hibou, à un crapaud, à un corbeau, à un bouc, et nous le retrouvons sur le portail et les chapiteaux des églises tantôt sous la forme de ces divers animaux, tantôt unissant le type dégénéré de l’homme au type des bêtes dont il a les grossiers instincts. On le voit souvent sous la figure d’un serpent à tête de femme, parce que le visage d’une belle fille, enté sur le corps d’un reptile, paraissait aux artistes