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l’expression la plus complète de la puissance de séduire, et qu’il rappelait en même temps par une seule image le tentateur et sa première victime. Un bas-relief de l’église de Sainte-Croix de Saint-Lo le montre avec une queue courte et une tête d’âne, occupé à rôtir des damnés qu’il retourne à coups de pioche dans une fournaise ardente, et sur la cathédrale de Fribourg il parait avec une hure de sanglier, représenté par le bouc ou le pourceau, il personnifie la gourmandise, la luxure, tous les plaisirs sensuels, et c’est pour cela qu’on le plaçait auprès de saint Antoine, qui avait vaincu tant et de si pressantes tentations. Le loup et l’ours à cause de leurs instincts féroces, le lion que l’Écriture dépeint rugissant, après sa proie, paraissent aussi dans la sculpture comme des emblèmes secondaires du diable. Il en est de même des gargouilles et de tous les êtres bizarres qui se dessinent dans les parties extérieures des églises et forment un frappant contraste avec les anges elles saints du portail et des contreforts. La sirène dévorant un poisson, c’est le démon victorieux faisant sa proie du pécheur, tandis que le dragon aux pieds des saints, c’est le démon vaincu ou l’idolâtrie terrassée.

Les vices et les passions dans l’art chrétien sont, comme le diable, symbolisés par des animaux. Pris en général, ils sont figurés par des rats, parce qu’ils dévorent l’âme et rongent celui qui leur donne asile en son cœur, comme l’animal ronge-maille dévora et détruit tout ce qu’il touche. L’orgueil est désigné par le cygne, dont le plumage blanc recouvre une peau noire, — l’hypocrisie par l’autruche, que ses larges ailes semblent devoir porter au ciel, et que ses lourdes pattes retiennent sur la terre, — le scandale par le dragon à la tête de femme et aux pieds de cheval, — la rapacité et l’injustice par le griffon, — la prudence dans le mal par le hibou, etc. Après avoir montré par des images sensibles le vice et le péché, l’art exprimait encore par des images nouvelles la rémunération des œuvres et les châtimens, et la croyance qui faisait de certains animaux les bourreaux des damnés était trop générale, trop accréditée, pour ne point fournir de nombreuses inspirations. Ainsi à l’abbaye de Moissac on voit une femme, personnification de la courtisane impénitente, tétée par des crapauds : ailleurs ce sont des serpens qui rongent des moines impudiques. Dans l’église Saint-Sauveur de Dinan, un homme à cornes de bœuf est écartelé par des crocodiles fantastiques. Dans le tableau de l’enfer tel que le présente un chant populaire de la Bretagne, il est dit que la peau des damnés sera écorchée, leur chair déchirée par les dents des serpens et des démons, et l’on retrouve la vignette de cette légende sur les chapiteaux de plusieurs églises, entre autres sur l’un des piliers de Saint-Trophime d’Arles, où l’on voit des réprouvés dévorés par des lions, symbole du diable. Enfin,