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qui n’auraient pu être aplanies dans le sein de chacune d’elles, etc. Depuis sa création jusqu’en 1852, c’est-à-dire en dix années, il a procède à l’établissement de 70 compagnies nouvelles. Les associations placées sous son égide, considérées en bloc, dépensent par année 180,000 francs, et possèdent des fonds montant à 500,000 francs. Quoique chaque groupe ait conservé son existence propre, le grand conseil a réussi à mettre tous les règlemens en harmonie les uns avec les autres, il en a fait disparaître les anomalies plus ou moins choquantes qu’à l’origine l’ignorance des fondateurs y avait entassées. Grâce à son action, la discipline morale est devenue plus forte sans être jamais oppressive. Il y a sous ce rapport une sorte de solidarité entre les sociétés marseillaises : un membre exclu de l’une d’elles ne peut être admis dans aucune autre. Le grand conseil remplit à Marseille une tâche analogue à celle qui a été confiée pour toute la France, par le décret du 26 mars 1852, à une haute commission dite commission supérieure d’encouragement et de surveillance. Malgré les conditions déjà réalisées dans la cité marseillaise, le nouveau régime, tel qu’il résulte de l’acte de 1852, n’en présente pas moins des avantages manifestes aux ouvriers de cette ville : il est à désirer qu’il se concilie avec le maintien du grand conseil.

Après la révolution de février, les prédications du socialisme vinrent échouer contre la puissante organisation des sociétés marseillaises. Il est un fait digne de remarque que nous avons observé non-seulement à Marseille, mais dans tous les centres industriels du pays : plus une localité était restée étrangère à l’idée de l’association réalisée dans des institutions mutuelles de secours, et plus il a été facile à la théorie socialiste d’y égarer les classes populaires. Il n’existait point d’ailleurs, en 1848, à Marseille, et dans les autres cités de la Provence, de ces haines profondes des ouvriers à l’égard des patrons, que les partis politiques avaient si perfidement attisées dans d’autres régions du pays. Aussi les fabricans ne furent-ils pas inquiétés par des démonstrations menaçantes. Sur ce sol, où l’on entre en ébullition et où l’on s’attiédit avec une égale facilité, le contre-coup des émotions contemporaines se manifesta sous des aspects très variés. La population avignonnaise, par exemple, est dans la vieille habitude de vivre divisée en deux partis inconciliables : l’un s’attache à la tradition, l’autre s’ouvre à l’influence des événemens qui s’accomplissent. Des deux côtés apparaissent des tendances tout italiennes ; on dirait qu’un souffle échappé de la lutte des guelfes et des gibelins circule encore dans l’ancienne cité papale. Toutes les impulsions venues du dehors éprouvent, par suite de ces circonstances, des modifications qui en altèrent le sens et la portée. Les ouvriers n’ont jamais eu, dans les querelles locales, qu’un rôle secondaire. Quand la multitude, par exemple, s’enivrait en 1815 des