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sa transparence par le froid dû à la dilatation, et, remplacé par un nouvel air qui subissait la même influence, semblait perpétuer le petit filet nuageux.

Appliquons ceci à l’arrosement des continens, et, pour ne pas rester dans les généralités, prenons notre France pour exemple. Les vents d’ouest prédominans amènent sur la France l’air humide de l’Atlantique. Si ce vent glissait simplement sur la surface assez basse des contrées limitrophes de la mer, cela n’occasionnerait pas une élévation bien grande des masses d’air océaniques ; mais en touchant le sol inégal du continent, cet air est retardé dans sa marche, et l’obstacle qu’il fait à l’air qui le suit force ce dernier à s’élever comme le long d’une colline. Les masses qui arrivent successivement s’élèvent par le même mécanisme, et le refroidissement ainsi déterminé produit la pluie, et donne naissance aux cours d’eau qui, sous les noms de Somme, de Seine, de Loire, de Charente, de Garonne, ramènent à l’océan les eaux fournies par les courans d’air qui reposaient sur ce même océan. Mais si nous suivons ces vents d’ouest jusqu’aux Alpes, c’est alors que l’effet de l’élévation qui produit la dilatation, et de la dilatation qui produit le froid, et du froid qui précipite l’eau, que toutes ces actions, dis-je, se déploieront sur une échelle grandiose. Ces vents d’ouest, forcés de céder leur eau, donnent immédiatement naissance à deux grands fleuves, le Rhône et le Rhin. Au sud de ce grand massif, l’air chaud des plaines de la Lombardie, poussé contre les flancs des Alpes suisses et tyroliennes, dépose les eaux qui doivent alimenter le Pô et ses affluens du nord, ainsi que tous les cours d’eau alpestres descendant vers le sud. Du côté nord de la chaîne alpine, le vent de nord-est, qui accoste les mêmes montagnes, y dépose les sources du Danube et de ses premiers affluens. En général, la forme géographique du terrain, combinée avec les vents dominans, détermine l’irrigation naturelle d’un pays, — et réciproquement le système hydraulique d’un pays peut donner des indications sur sa constitution géographique. Autrefois il ne pleuvait jamais dans la basse Égypte ; mais depuis que des plantations y ont été faites, l’obstacle présenté aux masses d’air par ces aspérités du sol les a soulevées et a produit le refroidissement et la pluie. On ne peut plus, comme autrefois, conserver à Alexandrie les céréales sur les toits des maisons. On s’explique aussi par la même théorie comment la Meuse, cette rivière dont le bassin a une si petite étendue, est cependant si considérable. C’est que les forêts qui couvrent les collines environnantes arrêtent et soulèvent l’air amené de la mer par les vents d’ouest, et déterminent des pluies abondantes, que l’état boisé du bassin ne permet pas à l’air de réabsorber. Tel est sans doute le mot de l’énigme : c’est ce que les observations météorologiques nous apprendront plus tard.