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précède dans les études préparatoires d’une compagnie en instance auprès du gouvernement. L’entreprise a sa clientèle naturelle dans les villes de fabrique où elle a été chaleureusement accueillie. Nous distinguons avec plaisir parmi ses promoteurs principaux les notables de l’industrie française, surtout dans la spécialité du coton, des hommes qui, satisfaits de leur célébrité comme manufacturiers, ne descendraient pas à des spéculations étrangères dans une autre pensée que de rendre un service au pays. La compagnie se croit en mesure de réaliser un grand capital, en commençant par 20 ou 25 millions. Elle demande, en garantie des risques qu’elle assume, une concession de 100,000 hectares, à charge de verser au trésor, au bout de cinq ans, un impôt qui s’élèvera graduellement jusqu’à 500,000 fr. Elle considère en outre comme une des conditions de son existence le privilège de la vente des cotons produits en Algérie.

Le mot de privilège est malsonnant, nous le savons bien. Hâtons-nous donc d’expliquer le sens qu’on lui donne en cette circonstance.

Il ne s’agit point du droit exclusif de cultiver le cotonnier. Bien au contraire. Loin d’entraver les planteurs, la compagnie fera tous ses efforts pour en augmenter le nombre. Elle les aidera de son expérience, de son matériel, de son argent. Son but, suivant une heureuse expression que nous remarquons dans une de ses notes, est d’instituer en Algérie le crédit foncier du coton, en répandant les secours de toute nature propres à développer cette spécialité agricole. La garantie qu’elle sollicite serait seulement le droit exclusif d’acheter les récoltes des planteurs à un prix fixé, par le gouvernement, d’après les mercuriales des principaux marchés de coton : c’est un privilège analogue à celui des grandes sociétés commerciales du temps passé. Il est bien entendu que ce privilège serait temporaire. La compagnie donne pour motif de cette exigence la nécessité d’assurer une protection aux capitaux qu’elle appelle. Pour développer largement la colonisation au moyen des cultures cotonnières, il y a de gros capitaux à enfouir en travaux de défrichement, de dessèchement, de routes, d’irrigation; il y a des écoles dispendieuses à faire pour dégager les méthodes de culture convenables au pays, pour attirer des Européens et discipliner des indigènes, pour créer des moyens économiques de transport et établir des courans commerciaux. La production cotonnière ne sera constituée que dans quelques années; on s’y attend, et les frais de cet apprentissage sont prévus. Serait-il juste qu’après cette période, une seconde, une troisième compagnie, vinssent profiter de l’expérience acquise et des dépenses faites? Avec une telle perspective, les capitaux de la métropole se risqueraient-ils sur le sol algérien ? La compagnie fait valoir enfin que cette obligation de lui vendre les récoltes, loin