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fort différent. L’Apollon du Belvédère, qui se voit aujourd’hui au musée du Vatican, n’est probablement qu’une réplique en marbre d’une statue exécutée primitivement en bronze : la minceur du manteau me paraît militer en faveur de cette opinion. Mais laissons de côté la question d’original ou de réplique. L’Apollon du Belvédère peut-il se comparer aux figures détachées des tympans du Parthénon ? Assurément non. Les pages écrites par Winckelmann, plus dignes d’un rhéteur que d’un vrai critique, ne sauraient changer la nature des choses. Placé en regard de l’Ilissus, du Thésée, de la C’érès, de la Proserpine et des Parques, l’Apollon du Belvédère n’est évidemment qu’un ouvrage de second ordre, une répétition d’un ouvrage populaire en Grèce, exécuté à Rome par un habile praticien. La prédilection de M. Cousin pour l’Apollon du Belvédère nous étonne d’autant plus qu’en 1815, avant ses leçons sur l’esthétique, le parlement anglais avait acquis de lord Elgin, moyennant 30,000 livres sterling, les débris du Parthénon, qui se voient maintenant au Musée britannique, et que dix ans plus tard, en 1825, c’est-à-dire vingt-huit ans avant le remaniement de ces mêmes leçons, le duc de Rivière, ambassadeur de France à Constantinople, envoyait dans notre pays la Vénus de Milo, inférieure sans doute à la Cérès et aux Parques, mais très supérieure à l’Apollon du Belvédère. J’ai peine à comprendre que M. Cousin, placé entre les tympans du Parthénon et la Vénus de Milo, s’en soit tenu à l’Apollon du Belvédère.

Quant à la Vénus du Capitole, nous ne pouvons l’accepter comme un type de beauté idéale. Ce que dit M. Cousin de la Venus du Capitole s’appliquerait tout au plus à la Vénus de Médicis, placée dans la Tribune de Florence, ouvrage de second ordre dont le bras droit tout entier, célébré avec tant de pompe par les rhéteurs qui voudraient être acceptés comme des critiques sérieux, est restauré par un praticien moderne. Non-seulement la Vénus du Capitole ne s’accorde pas avec les principes exposés par M. Cousin, mais elle les contredit manifestement. Est-ce une œuvre grecque ? Je ne le crois pas. Dans tous les cas, grecque ou romaine, elle n’appartient pas à la plus belle époque de l’art et ne saurait offrir un type de beauté idéale.

Les objections que je viens de présenter n’enlèvent rien toutefois à mon admiration pour l’esprit éminent qui a posé tant de questions difficiles et délicates, et qui, après les avoir étudiées sous toutes leurs faces, les a souvent résolues d’une façon décisive. Tel qu’il est, son livre sur le Vrai, le Beau et le Bien est encore un des plus solides enseignemens qui puissent être offerts à la jeunesse et à l’âge mûr.

Il est fâcheux que M. Cousin, qui, de 1815 à 1820, de 1828 à 1830,