Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/936

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

foule de légendes et de fables qui forment ce qu’on peut appeler l’histoire idéale des animaux.

Dans les temps antérieurs au christianisme comme dans le moyen âge, dans les traditions religieuses comme dans les traditions poétiques et populaires, les êtres inférieurs que les lois mystérieuses de la Providence ont placés près de nous sur cette terre apparaissent avec des caractères tout différens de ceux que leur assigne la science moderne. Ils vivent, comme nous, d’une vie intelligente et morale. Dans le paganisme, ils sont les amis et les confidens des héros et des dieux ; dans la légende chrétienne, ils sont les amis et les serviteurs des saints. La Grèce et Rome leur prêtent l’esprit prophétique ; l’Égypte les divinise et les adore ; les auteurs des Bestiaires nous instruisent par leur exemple ; les hagiographes nous édifient par leurs vertus. Enfin nous les trouvons partout, dans la littérature et dans les monumens de l’art, formant comme le peuple fantastique d’un autre monde et d’une création nouvelle, et de la sorte se continue à travers les siècles une couvre étrange, où la science, la fantaisie, la tradition apportent chacune sa part d’erreur. Dégager cet élément merveilleux de l’élément réel auquel on le trouve mêlé, ce ne serait pas, nous le croyons, une tâche sans intérêt. Ainsi comprise, l’histoire des animaux telle que nous l’offrent les monumens divers de l’antiquité et du moyen âge devient, nous espérons le prouver, un chapitre curieux de l’histoire même de l’esprit humain.

Nous n’entreprendrons point ici de retracer en détail le rôle que les animaux jouent dans les croyances religieuses ou poétiques de l’Inde, de l’Égypte, de la Grèce et de Rome. Ce serait refaire pour la centième fois l’histoire des idolâtries antiques, et recommencer l’œuvre des mythographes sans la rendre plus complète ou plus précise, Nous voulons seulement nous renfermer dans le moyen âge : c’est à cette époque surtout que la zoologie, transformée par l’imagination des conteurs et des poètes, prend le caractère d’une conception morale ou religieuse. Toutefois, comme dans le passé toutes les choses se touchent et s’enchaînent, comme le moyen âge n’est souvent que l’héritier direct des souvenirs de la Grèce et de Rome, il est essentiel de jeter un coup d’œil rapide sur les temps anté-chrétiens pour faire mieux comprendre, dans notre civilisation elle-même, cette vaste épopée où figurent les hôtes sauvages des déserts et des forêts, les monstres de la fable et les dragons de la légende : épopée, bizarre, écrite par les moines dans le silence du cloître, par les trouvères au milieu des désordres de la vie mondaine, et sculptée par des artistes barbares sur les chapiteaux de nos églises et le portail de nos cathédrales.

Longtemps négligée par l’érudition, la zoologie légendaire a fourni