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en est la principale source. Depuis quelque temps, c’est par centaines de mille que les Européens se précipitent chaque année sur le territoire américain. Cette émigration est toute volontaire ; nul n’est contraint de venir, et c’est ce qui attire ; une fois venu, chacun est libre de s’en aller, c’est ce qui retient. On n’examine point pourquoi l’Européen, désireux d’une terre nouvelle, va la chercher au-delà des mers, à travers les frais et les périls d’une longue navigation, tandis que sur le continent même où il est né s’offrent à lui d’immenses espaces vacans et non moins fertiles que les terres qu’il va poursuivre au loin. Les rives du Volga sont naturellement aussi riches que les bords du Saint-Laurent ou du Mississipi. M. de Haxthausen constate en une foule d’occasions la merveilleuse fécondité du sol russe dans plusieurs régions où il ne manque absolument que des habitans, car avec ses soixante millions d’âmes, la Russie n’est qu’un grand désert. Il ne paraît pas cependant que, pour sa colonisation intérieure, la Russie reçoive un grand secours de l’émigration volontaire des pays voisins. M. de Haxthausen parle bien de deux établissemens, d’origine allemande, qu’il a trouvés très prospères, l’un sur les bords du Dnieper, celui des mennonites, espèce d’anabaptistes, d’abord émigrés en Prusse vers l’an 1540, puis en Russie vers 1783, et l’autre à Isarepta, fondé par des frères moraves en 1765. L’histoire nous montre bien aussi de temps à autre (en 1670, sous le règne d’Alexis Romanof ; au commencement de ce siècle, sous Alexandre) des Écossais, des Allemands venant en Russie, attirés par l’appât de priviléges passagers, tels que l’exemption temporaire de tout impôt, la promesse d’une condition libre, une subvention pour le premier établissement, etc. ; mais ce ne sont que de rares accidens. M. de Haxthausen ne cite nulle part le chiffre annuel de cette émigration, qui n’a point de courant visible et périodique, et qui paraît presque nulle. On conçoit que les Allemands qui délaissent leur patrie dans l’espoir de trouver ailleurs plus de bien-être et de liberté n’aillent chercher en Russie ni l’un ni l’autre. Que valent d’ailleurs ces priviléges promis aux nouveaux venus ? On ne crée pas arbitrairement des oasis de bien-être et de liberté dans un pays dont toutes les institutions, d’accord avec le climat, fonctionnent pour le despotisme et la servitude. Que peut valoir la promesse d’un droit là où il n’y a pas de droit, où du moins le droit est dépourvu de toutes garanties individuelles ? Et puis, c’est chose grave que d’entrer dans un pays d’où l’on ne sort pas à volonté !

La Russie se colonise cependant, au moins partiellement, avec des élémens empruntés à l’étranger. Comment donc se fait cette colonisation ? En général, et sauf les cas exceptionnels que l’on vient d’indiquer, on peut dire que les colons étrangers établis en Russie sont tout