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séduire, il fallait que l’élection ne se fît pas tout de suite à Francfort. Or cette élection rencontra un obstacle légal : Maximilien, n’ayant pas été couronné empereur, n’était que roi des Romains. Dès lors, un roi des Romains existant déjà, on ne pouvait pas en nommer un second, comme le représentèrent avec force et non sans succès le duc Frédéric de Saxe et l’archevêque de Trêves.

Maximilien n’osa point procéder à une élection nouvelle avant d’avoir reçu lui-même la couronne impériale. Cette couronne se donnait en Italie. Irait-il la prendre à Rome à la tête d’une armée, au risque de remettre ce pays en feu et de troubler la paix toute récente de l’Europe ? C’est ce que craignait la cour timide du roi d’Espagne. Peu rassurée sur les dispositions de la Castille et de l’Aragon et cherchant à résoudre amiablement dans les conférences de Montpellier les difficultés qui subsistaient entre elle et la cour de France relativement au royaume de Navarre, elle ne voulait pas s’exposer dans ce moment à la guerre et souhaitait que l’empereur n’entreprît pas ce périlleux voyage[1]. Maximilien se borna donc à faire demander par son petit-fils au pape que la couronne impériale lui fût envoyée dans la ville de Trente, et que les cardinaux de Médicis et de Mayence fussent désignés pour y accomplir, le jour de la Noël, la cérémonie solennelle de son couronnement[2]. Ce projet était chimérique. Il devait rencontrer et l’objection des usages jusque-là consacrés et la résistance du pape Léon X, qui, étroitement uni à François Ier, ne se souciait pas de favoriser l’élévation du roi de Naples à l’empire, contrairement aux intérêts de son allié et aux maximes du saint-siège depuis la bulle de Clément IV.

Aussi Maximilien, avant d’avoir pu réaliser le dessein qui devait assurer la grandeur héréditaire de sa maison, fut surpris par la mort. Il avait bien près de soixante ans, et sa santé était depuis quelque temps chancelante. Tourmenté par la fièvre dans le Tyrol, il était allé, pour s’en délivrer, dans la haute Autriche. Là, pendant qu’il était à la chasse, il éprouva une soif ardente qu’il crut apaiser en mangeant du melon avec excès. Cette imprudence augmenta son mal. D’intermittente, la fièvre devint continue et l’enleva à Wels le 12 janvier 1519, Depuis 1515, il portait toujours avec lui un coffre destiné à recevoir ses restes après sa mort. On l’entendait souvent lui adresser la parole lorsqu’il était seul. Pendant ses nuits sans sommeil, il se fit lire l’histoire de ses ancêtres qu’il allait bientôt rejoindre. Il régla lui-même ses funérailles et demanda que son cœur fût porté à Bruges auprès de sa première femme, Marie de Bourgogne; mais,

  1. Lettres de La Roche-Beaucourt, écrites de Saragosse, du 16 novembre 1518, au grand-maitre Boisy, et du 20 novembre à François Ier. Mss. Bethune, n° 8486, f° 81 et 63.
  2. Mémoire de Maximilien du 27 octobre. Le Glay, Négociations, etc., t. II, p 175.