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engagé dans cette dangereuse entreprise, parce que la ville de Reutlingen avait vengé sur un forestier ducal la mort d’un de ses propres bourgeois qu’Ulric avait surpris et tué sur son territoire. Ce nouvel excès, ajouté à tous ceux dont Maximilien, avant de mourir, se proposait de lui demander compte devant la justice impériale, marqua le terme de son impunité. Il avait mécontenté ses sujets en les accablant d’impôts, terrifié ses serviteurs en faisant torturer et périr ceux dont il redoutait les conseils et l’autorité, excité la mortelle inimitié de ses voisins les ducs Louis et Guillaume de Bavière en forçant sa femme, qui était leur sœur, à se réfugier auprès d’eux toute tremblante et couverte d’affronts. Il encourut alors les terribles représailles de la ligue de Souabe.

Cette ligue, composée surtout des villes de la haute Allemagne et dont Reutlingen faisait partie, leva aussitôt une armée pour attaquer et punir le duc. Le commandement général en fut donné au duc Guillaume de Bavière. Sickingen, qui avait résisté à toutes les offres de François Ier appuyées par le duc de Lorraine[1], et qui s’était mis au service du roi catholique moyennant une pension de 3,000 florins d’or et l’entretien de vingt hommes d’armes, en fut le véritable chef[2]. Avec ses vaillans lansquenets et six cents cavaliers soldés parle roi catholique[3] ouvertement déclaré pour la ligue, il se plaça à la tête des troupes confédérées, fortes de vingt-quatre mille hommes, et s’avança vers le Wurtemberg.

Le duc Ulric passait en Allemagne pour l’allié de François Ier; on y disait même, et les ennemis de la France ne manquaient pas de l’affirmer, que c’était par les conseils du roi très chrétien qu’il avait attaqué Reutlingen et avec son argent qu’il avait levé quatorze mille Suisses dans ce moment à son service. Il n’en était rien. En apprenant qu’on répandait des bruits aussi dangereux pour lui, François Ier se hâta de les démentir. Il adressa, le 3 mars, aux villes de

  1. Il est fait mention des offres qu’il reçut des deux parts dans plus de vingt lettres de François Ier, du roi Charles, de Marguerite d’Autriche et de leurs commissaires respectifs. Les deux correspondances sont aussi remplies de lui que des électeurs. Bonnivet n’avait rien oublié pour le regagner. Il lui avait écrit en mars une lettre dans laquelle il lui disait qu’il n’y avoit pas de personnage en Allemagne, ni d’amy que François Ier eut veu de meilleur visage, eut en meilleure estime, ni en qui il dist avoir plus de seureté; il ajoutait : Capitaine Francisque, je suis et toujours ay esté vostre amy, et tel vous me trouvères en tout ce que vous me vouldrez employer et aussi pour ce que je désire bien que le roy mon maistre eust beaucoup de telz personnages en son service que vous. Il le priait de venir le trouver et l’assurait « qu’il ne le quitterait point sans être satitfaict et content. » Mss. de La Mare, 10332/3.
  2. la régente Marguerite à Maximilien de Berghes. Lettre du 4 mars dans Mone, p. 121 à 122.
  3. Instructions du roi catholique, etc., du 5 mars. — Le Glay, Négociations, etc., t. II, p. 307.