chose si ce n’est le symbole de l’humanité primitive, un vivant témoignage de sa foi au ciel ?
On a souvent observé que toutes les croyances populaires qui vivent encore dans nos différentes provinces sont d’origine celtique.
Un fait non moins remarquable, c’est la forte teinte de naturalisme
qui domine dans ces croyances. Aussi, chaque fois que le vieil esprit
celtique apparaît dans notre histoire, on voit renaître avec lui la foi
à la nature et à ses magiques influences. Une de ces manifestations
les plus caractérisées me semble être celle de Jeanne d’Arc. Cette
espérance indomptable, cette fermeté dans l’affirmation de l’avenir,
cette croyance que le salut du royaume viendra d’une femme, ces
traits, si éloignés du goût ancien et du goût germanique, sont en
réalité celtiques. Domremy était le centre d’un vieux culte druidique
dont le souvenir s’était perpétué sous forme de superstition populaire. La chaumière de la famille d’Arc était ombragée d’un hêtre
fameux dans le pays, et dont on faisait le séjour des fées. Dans son
enfance, Jeanne allait suspendre à ses branches des guirlandes de
feuillage et de fleurs, qui disparaissaient, disait-on, pendant la nuit.
Les actes de son procès parlent avec épouvante de cette innocente
pratique comme d’un crime contre la foi, et pourtant ils ne se trompaient pas complètement, ces impitoyables théologiens qui jugèrent
la sainte fille ! Elle est plus druidique que chrétienne en vérité. Elle
a été annoncée par Merlin ; elle ne connaît pas le pape et l’église,
auxquels on veut qu’elle soumette ses visions ; elle ne croit que la
voix de son cœur. Cette voix, elle l’entend dans la campagne, au
bruit du vent dans les arbres, quand son ouïe est frappée de sons
mesurés et lointains. Durant son procès, fatiguée de questions et de
subtilités scolastiques, on lui demande si elle entend ses voix : « Menez-moi dans un bois, dit-elle, et je les entendrai bien[1]. » Sa légende
se teignit des mêmes couleurs : la nature l’aimait ; les loups ne touchaient jamais les brebis de son troupeau ; quand elle était petite, les
oiseaux venaient manger son pain dans son giron, comme privés[2].
III.
Les Mabinogion ne se recommandent pas seulement à notre étude comme manifestation du génie épique de la race bretonne. C’est par cette forme de récit que l’imagination galloise a exercé son influence sur le continent, qu’elle a transformé au xiiie siècle la poétique de