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comme fumures, demi-fumures, marnages, chaulages, façons extraordinaires, etc. Jusque-là rien que de légitime, du moins en apparence; mais la difficulté commence quand il s’agit de régler cette indemnité. Rien de plus vague, de plus difficile à saisir que les améliorations non-épuisées, surtout quand il s’agissait de l’Irlande, où personne ne faisait d’améliorations, pas plus le fermier que le propriétaire. Au fond, ce qui se cachait sous ce terme, c’était le droit du fermier sortant de se faire payer une indemnité pour le seul fait de la dépossession, ce qu’on pourrait appeler le droit au bail. On comprend aisément la portée d’un pareil principe.

Même au point de vue de la culture, et déduction faite de la question de propriété, il est au moins douteux que le tenant-right soit un usage avantageux. Cette question a été extrêmement controversée en Angleterre; elle a donné lieu à des enquêtes et à des discussions approfondies. On attribuait au tenant-right' une partie de la prospérité agricole du comté de Lincoln; mais on a fait remarquer avec juste raison qu’il existait aussi dans le 'Weald' de Sussex, la partie la plus arriérée de l’Angleterre, et qu’il pouvait être considéré comme une des causes de sa pauvreté rurale. En Écosse, où tout est si bien calculé dans l’intérêt de la culture, la question a été résolue contre le tenant-right. Cette coutume donne lieu à beaucoup de fraudes et de chicanes; elle porte les fermiers à se conduire plus en vue de l’indemnité qu’ils obtiendront à leur sortie que de la bonne culture en elle-même; on a un des spéculateurs plus habiles ou moins scrupuleux que d’autres aller de ferme en ferme et d’indemnité en indemnité, en gagnant toujours au change. De plus, le tenant-right devient à la longue pour le fermier entrant une charge énorme qui épuise du premier coup toutes ses ressources, et qui le laisse sans moyens de faire face aux dépenses les plus indispensables. Dans le Lincoln, dans le Nottingham, où cette coutume subsiste, on évalue de 250 à 300 francs par hectare ce que paie aujourd’hui le fermier entrant pour le tenant-right seulement, sans parler des charges ordinaires de la culture; dans le Sussex, la moyenne est de 100 à 150 fr, ce qui est peut-être plus lourd encore à cause du mauvais état du sol. En présence de pareils sacrifices, on comprend que les agronomes anglais soient devenus à peu près unanimes pour condamner le tenant-right, au moins comme règle générale; les longs baux, et dans quelques cas les conventions spéciales, sont considérés comme une solution suffisante de la difficulté.

S’il en est ainsi du tenant-right quand il est justifié par des dépenses réelles, que sera-ce de ce droit tel qu’il existait dans quelques parties de l’Irlande et qu’on prétendait le généraliser ! Ici ce qu’avait à payer le fermier entrant, ce n’était pas la rémunération d’améliorations qui n’existaient pas, mais la jouissance paisible de son bail.