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plus Huningue n’ait pas encore réussi à repeupler à lui seul toutes les eaux de la France et à leur faire produire les 000 millions de francs promis par MM. Berthot et Delzem.

Quoi qu’il en soit, les rapports établis entre cette piscifacture et le Collège de France ont fourni à M. Coste l’occasion de faire de curieuses observations sur le transport des œufs et la durée de leur vitalité après qu’on les a tirés de l’eau. Des œufs de saumon et de truite, envoyés de Mulhouse par la diligence, sont éclos en très grand nombre au Collège de France. On avait eu seulement la précaution de les entourer d’herbes aquatiques humides, dans une boite de fer-blanc percée de trous à sa paroi supérieure[1]. D’autres œufs fécondés artificiellement, disposés dans une boite de sapin par couches alternant avec du sable humide, sont restés ainsi deux mois dans une chambre froide. Au bout de ce temps, ils étaient seulement ridés ; mais ayant mis la boite dans l’eau pour les humecter à travers le sable, M. Coste les a vus reprendre bientôt leur apparence habituelle, et ils n’ont pas tardé à éclore.

Pour rendre possibles et praticables dans son laboratoire les expériences qu’il avait entreprises, M. Coste dut adopter un appareil n’occupant que peu d’espace, et auquel un simple filet d’eau pût suffire. Les dispositions qu’il a choisies sont très simples. Cet appareil, que du reste nous avons vu fonctionner plusieurs fois, est un assemblage de petites rigoles rangées en gradins de chaque côté d’une rigole supérieure qui sert à alimenter toutes les autres. Le fond de chacune de ces rigoles est garni d’une couche de gravier. Un robinet laisse tomber un filet d’eau continu à l’une des extrémités de la rigole supérieure. On courant s’établit alors vers l’extrémité opposée, et là, une échancrure latérale lui offrant une issue à droite et à gauche, il se brise en deux chutes d’eau qui vont alimenter les deux rigoles placées immédiatement au-dessous. Celles-ci ont aussi des échancrures par où l’eau se précipite dans les rigoles inférieures, dont on peut accroître le nombre à volonté.

À la suite des éclosions obtenues dans cet appareil, M. Coste a pu parquer deux mille jeunes saumons dans un canal en terre cuite, ayant 55 centimètres de longueur, 15 de large et 8 de profondeur, ou, dit-il, le courant est entretenu par un simple filet d’eau de la grosseur d’une paille. Il leur donna pour nourriture une pâtée formée de chair musculaire réduite en fibrilles déliées, de préférence au sang bouilli dont s’étaient servi Rémy et Géhin. Un saumon élevé de la sorte dans un ruisseau artificiel, long de 2 mètres et large de 50 centimètres, était, à l’âge de six mois, plus grand que ceux de même âge pris dans les rivières de l’Ecosse et figurés dans l’ouvrage publié sous le pseudonyme d'Ephemera[2]. Tels sont les principaux résultats dus à M. Coste. Il a dernièrement réuni ses mémoires et ses rapports en un volume sous le titre d’Instructions pratiques sur la pisciculture. Il expose dans ces instructions les connaissances antérieurement acquises et celles qu’il a retirées de son expérience personnelle, et il adopte quelques-unes des améliorations introduites par M. Millet dans l’exercice de la nouvelle industrie.

  1. Comptes-rendus de l’Académie des Sciences, t. XXXIII, p. 124, 1852.
  2. The Book of the Salmon, by Ephemera assisted by Arthur Young. Voyez aussi Annales agronomiques, t. Ier, p. 234,1851.